« Pendant les séismes, trente secondes m’ont parues trente heures »

témoigne l’un des collaborateurs du SECOURS ISLAMIQUE FRANCE (SIF) en Syrie.

Après les séismes du 6 février qui ont tué des dizaines de milliers de personnes en Turquie et en Syrie, le Secours Islamique France (SIF) a lancé son intervention d’urgence à Alep et poursuit en même temps ses évaluations : la vie de 200 000 personnes, bloquées sous les décombres, reste immédiatement menacée. Deux des collaborateurs de notre mission basée en Syrie nous confient la terrible épreuve qu’ils ont enduré à Alep, ravagée par le tremblement de terre.

Une fois de plus, la population syrienne est frappée d’une crise humanitaire d’une intensité inouïe. Les violents séismes du lundi 6 février ont provoqué la mort de plus de 33 100 personnes, un terrible bilan provisoire au 12 février : malheureusement, les Nations Unies estiment que ce chiffre pourrait doubler ! D’innombrables rescapés errent dans le froid hivernal de rues en ruines après avoir perdu leur toit, en recherchant désespérément des solutions. Pour les Syriens, déjà très fragilisés par les conséquences de 12 ans de conflits armés, le coup est très dur. Face à une telle catastrophe, agir vite est crucial.

Après avoir procédé à des évaluations dans les heures qui ont suivi les séismes, le Secours Islamique France (SIF) a déployé en Syrie une première action d’urgence dès le jeudi 9 février, et continue depuis ce jour à intervenir concrètement auprès des populations touchées. Le lancement de nos réponses sur place s'est déroulée à Alep, ville  particulièrement touchée du côté syrien. Nos opérations seront renforcées, tant les besoins sont immenses.

Pour renforcer et multiplier rapidement nos actions sur place, nous avons besoin de vous. N’abandonnons pas les victimes de ces terribles séismes !

S’ils ont bien pris part à cette action, Abdulrahman, Thurayya et Waddah, trois de nos collaborateurs dans le gouvernorat d’Hama, restent sous le choc. Ils témoignent de ce qu'ils ont enduré pendant les tremblements de terre et des souffrance des populations sinistrées.

« Nous sentions que nous étions en grand danger quand les séismes ont commencé » confie Abdulrahman, qui s'exprime ci-dessous.

« Encore traumatisée par le séisme, et inquiète pour mes enfants…», confie Thurayya, assistante au SIF Syrie sur des projets réhabilitation, eau, hygiène et assainissement.

Mère de deux enfants en bas âge, Thurayya a été réveillée en sursaut et en pleine nuit par le séisme. Son premier réflexe a été de se tourner vers ses deux enfants, qui dormaient près d’elle. « J’ai vu le lit de mon fils qui tremblait de plus en plus fort, se remémore-t-elle. Forcément, j’ai trouvé la situation anomale, j’ai essayé de me lever pour comprendre, mais c’était impossible: je n’arrivais pas à garder l’équilibre. »

Au prix de nombreux efforts, Thurayya a finalement réussi à prendre son fils dans ses bras, et à sortir sa fille de son sommeil. « Quand j’ai compris ce qu’il se passait, ce que j’ai ressenti est indescriptible, explique-t-elle. J’étais très inquiète, parce que nous dormions chez mes parents, dont l’appartement se situe aux derniers étages d’un immeuble. Prise d’effroi, j’ai couru dans leur chambre en criant tremblement de terre ! Mes parents venaient, eux aussi, de se lever… »

Dans la foulée, la famille tente de fuir l’appartement par les escaliers. Impossible, raconte Thurayya. « Quand on essayait de descendre, l’intensité des secousses nous en empêchaient. Je ne souhaite une telle expérience à personne, et j’espère de tout cœur ne jamais la revivre. Je pleurais, et j’appelais à l’aide, je ne pouvais pas protéger mes deux enfants en même temps…»

Un moment de panique, avant l’accalmie de la fin du tremblement de terre principal. Mais la violente réplique qui a suivi a replongé la famille dans la peur. « Pendant le moment de calme, indique Thurayya, on est retournés à la maison pour récupérer quelques affaires, mais on n’a rien pu prendre. Un autre tremblement de terre s’est déclenché, on s’est réfugié dans notre voiture…»  

Depuis leur véhicule, la famille a assisté, impuissante, à un afflux massif de personnes dans les rues, catastrophées et à la recherche d’un endroit pour se protéger. Le moment a duré plus de deux heures, un laps de temps qui a paru interminable à notre collaboratrice et aux siens. « Il faisait très froid, mais on ne ressentait plus rien, souffle-t-elle. La peur annihile tout…»  

Pour Thurayya, la fin des séismes n’a été qu’un soulagement éphémère. Comme des centaines de milliers de Syriens, elle a retrouvé sa maison gravement endommagée. « Notre logement n’est plus celui que j’ai connu, conclut-t-ellePsychologiquement, c’est très difficile, je reste traumatisée par ce que j’ai traversé, et je suis très inquiète pour mes enfants…» 

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Des milliers de morts et de blessés, des destructions sans fin… En Syrie, comme en Turquie, le traumatisme provoqué par les séismes du 6 février est sans précédent.

« Pendant le séisme, 30 secondes m’ont parues 30 heures », indique Waddah, Chef d’équipe du SIF à Hama, gouvernorat d’Alep.

Comme sa collègue Thurayya, Waddah était plongé en plein sommeil quand les séismes se sont déclenchés dans le nord de la Syrie. Réveillé par les bruits provoqués par les secousses, il est d’abord incrédule face à la situation. « Le sol vibrait sous mes pieds, explique-t-il. Les fenêtres et les lustres tremblaient, ils se brisaient au sol dans un bruit sourd, comme d’autres objets. Ce moment n’a duré que 30 secondes, mais j’ai eu l’impression qu’il a duré 30 heures…»

Dans un réflexe de survie, Waddah, comme l’avaient fait Thurayya et sa famille, s’est dirigé vers la porte de son logement, un seul espoir en tête : trouver un abri, le plus rapidement possible. « Pour être honnête, dans ces moments là, il est compliqué de prendre une quelconque décision rationnelle. Je ne savais pas quoi faire, comme toutes les personnes qui étaient dehors, avec moi, impuissantes…»

Syrie et Turquie : plus de 200 000 personnes encore piégées dans les décombres

Comme nos deux collaborateurs, des centaines de milliers de personnes ont été durement affectés par ces tremblements de terre. En Turquie et en Syrie, plus de 50 000 personnes ont été gravement blessés, un bilan provisoire, comme celui des familles endeuillées. Le 10 février, les autorités estiment à 200 000 le nombre de personnes qui attendent encore d’être secourues, coincées sous les décombres. Le spectre de maladies hydriques tels que le Choléra et la Diarrhée aiguë, potentiellement mortelles, a refait surface à cause du manque d’eau et de sa contamination par les débris. Les besoins sont immenses : le SIF poursuit ses évaluations pour renforcer très vite et en conséquence le contenu de son intervention.

« En Syrie, les tremblements de terre ont déclenché une nouvelle crise humanitaire de grande ampleur, sans doute la plus complexe à gérer au niveau des réponses à apporter depuis une décennie.»