Déscolarisation des enfants :
une crise mondiale

À l’occasion de la Journée internationale de l’éducation du 24 janvier, la Coalition éducation, dont le SIF est membre, publie un rapport démontrant les limites des financements alloués par la France aux pays partenaires pour les programmes en faveur des populations à risque d’exclusion scolaire. Nous appelons le gouvernement à réagir et lui formulons des recommandations. 

Dans ses déclarations et ses engagements, la France semble limpide dans ses orientations politiques sur l’aide à l’éducation des plus vulnérables, au plan international. À plusieurs reprises, notre pays a assuré ériger en priorité le financement de programmes d’éducation pour les populations dont l’éducation scolaire est en danger. Mais dans les faits, force est de constater que le budget accordé ne cible pas encore suffisamment les besoins prioritaires.

244 millions d’enfants sont déscolarisés dans le monde, d’après l’UNESCO

C’est en tout cas ce que démontre le nouveau rapport Éducation : les limites des financements alloués aux pays partenaires, publié en cette Journée internationale de l’éducation par le Secours Islamique France (SIF) et ma Coalition éducation. Les enjeux sont pourtant cruciaux Aujourd’hui, 244 millions d’enfants et jeunes âgés de 6 à 18 ans, sont absents des bancs de l’école sans en avoir le choix, selon les dernières données de l’UNESCO.

La loi sur la Politique de développement solidaire d’août 2021 avait généré des attentes plus élevées

Adoptée par le Parlement en août 2021, la loi sur la Politique de développement solidaire pouvait faire espérer une hausse significative du financement de l’éducation. En effet, elle consacre enfin l’objectif des 0,7 % de la richesse nationale à l’aide publique au développement (APD), d’ici à 2025. Mais cette trajectoire financière n’est pas encore à la hauteur des attentes/enjeux.

Si la Coalition éducation et le SIF saluent également l’augmentation des montants d’aide à l’éducation au travers de l’Agence française de développement (AFD), notre rapport prouve qu’elle s’inscrit dans le cadre d’une hausse générale de l’APD. Alors que la situation est alarmante, l’éducation n’est pas spécifiquement concernée. Au contraire, sa part s’avère au global sur la pente descendante, passant de 13,6 % à 11,9 %**.

Les bourses et frais d’écolage représentent près de 64% de l’APD éducation de la France, un fait presque unique au sein des pays du Comité d’Aide au Développement.

Face à la crise mondiale de l’éducation, cette tendance est plus qu’inquiétante. La Coalition éducation et le Secours Islamique France appellent donc le gouvernement au maintien de l’éducation parmi les priorités de la politique de coopération. Nous dénonçons d’ailleurs la comptabilisation de dépenses qui ne devraient pas relever de l’APD éducation. Leur part représente pourtant 76,5 % des montants sur les derniers chiffres disponibles (2020) :

  • 63,8 % pour les bourses et frais d’écolage, qui ne bénéficient pas aux 19 pays prioritaires de l’aide française.
  • 9,1 % pour les subventions aux établissements scolaires français à l’étranger ;
  • 3,6 % pour le financement du système éducatif de Wallis-et-Futuna.

Le Secours Islamique France et la Coalition éducation tiennent à pointer le fait que la France est l’un des rares pays du Comité d’Aide au Développement (CAD) à déclarer une telle proportion de bourses et frais d’écolage dans son APD. Ces financements ne devraient pas en relever.

La contribution de la France n’est pas à la hauteur pour atteindre
l’Objectif de Développement Durable 4 – éducation de qualité (ODD4)

Autre problématique majeure abordée dans le rapport : la France n’accorde qu’un tiers du financement des projets éducatifs de coopération internationale à l’Afrique subsaharienne. Particulièrement en crise, cette zone devrait être une priorité : c’est indispensable, tant les besoins sont immenses.

Le SIF et la Coalition éducation appellent à la poursuite du rééquilibrage vers l’éducation de base. En l’état, la participation de la France est insuffisante pour atteindre l’ODD 4. Pour illustrer et appuyer ces propos, le rapport propose une analyse détaillée du cas du Burkina Faso. Dans ce pays d’Afrique de l’Ouest, d’après les données des Nations unies, plus de 4 200 écoles étaient fermées en septembre 2022 à cause de l’insécurité***.  

LES RECOMMANDATIONS DE LA COALITION ÉDUCATION
ET DU SECOURS ISLAMIQUE FRANCE (SIF) :

Dans le rapport, la Coalition éducation et le Secours Islamique France interpellent le gouvernement sur l’urgence de la situation, et formulent des recommandations :

1. La France doit augmenter progressivement et de manière constante les financements humanitaires alloués à l’éducation pour tendre vers les engagements européens de 10 % de l’aide humanitaire à l’éducation.

2. Les bourses et frais d’écolages ne bénéficiant pas aux 19 pays prioritaires, les subventions aux établissements scolaires français à l’étranger et les coûts du système éducatif à Wallis-et-Futuna ne doivent pas être comptabilisés dans l’APD éducation.

3. La France doit tenir les engagements pris dans la LOP-DSLIM d’« allouer aux pays prioritaires la moitié de l’aide aux projets mise en œuvre par l’État, dont un tiers sur les pays du G5 Sahel et les deux tiers des subventions mises en œuvres par l’AFD » et mettre la priorité sur l’éducation de base.

4. Compte tenu de l’augmentation de l’APD pour atteindre les 0,7 % du RNB d’ici à 2025, les montants additionnels pour l’APD Éducation doivent être essentiellement consacrés à l’éducation de base dans les pays d’Afrique subsaharienne, et notamment les pays prioritaires, sous forme de subventions.

5. L’APD dédiée aux services sociaux de base, dont la santé, l’éducation, l’eau, assainissement et hygiène et la protection sociale, doit être renforcée pour atteindre à minima 50 % de l’APD.

6. La Coalition Éducation, relais français de la Campagne Mondiale pour l’Éducation, s’inscrit dans les recommandations internationales appelant les États à financer l’éducation à hauteur de 20% des dépenses publiques, en veillant à la justice fiscale pour augmenter les ressources domestiques. Ces recommandations internationales appellent également les pays donateurs à atteindre l’objectif de 0,7 % du PIB pour l’APD, dont 20 % consacrés à l’éducation.

7. L’AFD doit tenir les engagements pris dans la LOP-DSLIM de « concentrer deux tiers de ses subventions sur les pays prioritaires de l’aide publique au développement » et renforcer le continuum éducatif dès le plus jeune âge en accompagnant les transitions.

8. La France doit poursuivre son engagement financier et politique dans le Partenariat Mondial pour l’Éducation (PME).

9. La France doit assurer que ces contributions représentent des financements additionnels aux montants d’aides bilatérales ou multilatérales déjà engagées ou annoncées, et en aucun cas une substitution. Elle doit assurer une cohérence et complémentarité des aides bilatérales et multilatérales à l’éducation et tendre progressivement vers 70 % pour le bilatéral et 30 % pour le multilatéral.

10. L’effort en faveur de l’éducation des enfants et jeunes en situation de crise doit être amplifié, notamment à travers une contribution de 40 millions USD au fonds Education Cannot Wait (ECW) pour la période 2022-2025, dont la moitié fléchée sur le Sahel.
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