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Crise climatique - Pakistan : les jeunes ont la parole
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PAKISTAN
Catastrophes, changements climatiques et déplacements internes : les jeunes prennent la parole
Le Secours Islamique France (SIF) publie les résultats d’un sondage conduit par IPSOS avec le soutien du Ministère de l’Europe et des Affaires étrangères, mené en mars et avril 2025 auprès de plus de 1 800 jeunes filles et garçons, déplacés internes ou à fort risque de déplacement à cause des catastrophes. Cette enquête met en lumière leurs expériences, leurs préoccupations, leurs attentes, leurs peurs, leurs frustrations, et leurs propositions face aux conséquences des catastrophes climatiques qui bouleversent leur vie et leur avenir.
C’est un véritable fléau, dont les conséquences touchent durement les populations vulnérables. En 2024, les catastrophes ont provoqué 45, 8 millions de déplacement interne, soit 70 % du total mondial des déplacements, et un record absolu depuis 10 ans. Derrière ce chiffre alarmant, ce sont bien des enfants, des femmes et des hommes qui ont vu leur vie basculer du jour au lendemain. Complètement démunis, ils sont les principales victimes collatérales des changements climatiques, qui aggravent la fréquence et l’intensité des catastrophes.
Au quotidien, ces personnes déplacées internes sont bien souvent livrées à elles-mêmes. En dépit de leur extrême vulnérabilité, elles ne disposent d’aucun statut spécifique , et dépendent de la protection de leur Etat. Sur le terrain, les équipes du Secours Islamique France (SIF) sont des témoins directs des conséquences dramatiques de ces catastrophes. C’est notamment le cas au Pakistan, l’un des pays les plus touchés par les changements climatiques.
Confrontée à une alternance de fortes sécheresses et d’inondations, la population a subi, en 2022, l’une des pires crises de son histoire. Des inondations de grande ampleur liées à de fortes pluies de mousson ont tout ravagé sur leur passage, détruisant infrastructures clés, routes, logements, etc. Le gouvernement n’avait eu d’autre choix que de décréter l’état d’urgence. Il faut dire que plus de 33 millions de personnes ont été affectées par la catastrophe, parmi lesquels 8, 2 millions n’avaient eu d’autre choix que de se déplacer à l’intérieur même de leur pays !
Sur place, les équipes du SIF avaient alors déployé de nombreuses réponses d’urgence, renforcées ensuite par des projets sur le long terme, destinés à renforcer la résilience des populations face à la récurrence des catastrophes climatiques. De ce type d’expérience, le SIF tire des leçons, qui servent de moteur à nos actions de plaidoyer, vouées à porter la voix des plus vulnérables. En toile de fond, nous cherchons à sensibiliser les décideurs et à contribuer à apporter des solutions durables.
C’est d’ailleurs la vocation du nouveau rapport du Secours Islamique France : Les jeunes pakistanais ont la parole, les impacts et les solutions aux déplacements internes liés aux catastrophes et aux changements climatiques. Ce document présente les résultats d’un sondage conduit en mars et avril 2025 en collaboration avec l’institut IPSOS et le Ministère de l’Europe et des Affaires étrangères. L’étude s’appuie sur les réponses de plus de 1800 jeunes pakistanais (filles et garçons, à part égale) âgés de 14 à 25 ans.
Parmi eux, ils sont 40 % à avoir été contraints de se déplacer à la suite d’une catastrophe, certains plusieurs fois, l’écrasante majorité (95 %) depuis plus d’un an. Les 60 % restant sont fortement exposés à ce risque. L'étude a été menée dans 21 districts de 4 provinces, le Pendjab, le Sindh, le Baloutchistan et Khyber Pakhtunkhwa. Ces jeunes ont partagé leurs ressentis et opinions sur l’impact des déplacements et des risques de déplacement, notamment en termes d'inclusion sociale et économique.
LES PRINCIPAUX RESULTATS DU SONDAGE
Compréhension et facteurs de déplacements
• 87 % des jeunes lient la multiplication des catastrophes aux changements climatiques.
• 90 % identifient les catastrophes comme principale cause des déplacements, devant le manque d’opportunités économiques (30%) suivi de l’accès insuffisant aux services de base (28%) et, enfin, les conflits/violences (19%).
• L’inefficacité des réponses institutionnelles (66 %), la précarité des moyens d’existence (64 %) et les infrastructures peu résilientes (60 %) sont cités comme facteurs aggravants.
• 91 % estiment que la responsabilité première de l’action climatique incombe au gouvernement.
Prévention, préparation et gestion des risques
• 84 % des jeunes attendent du gouvernement qu’il s’attaque activement au problème des déplacements.
• La préparation aux catastrophes, la sensibilisation, le renforcement d’infrastructures plus résilientes et des systèmes d’alerte précoce efficaces sont cités parmi les priorités.
• Les jeunes expriment le besoin de passer d’une logique réactive (secours) à une logique proactive (réduction des risques et adaptation).
Situation et perspectives des jeunes déplacés
• Le besoin prioritaire qui revient le plus : un logement permanent et sûr (49 %).
• En ce qui concerne les intentions pour l’avenir, 69 % pensent rester dans leur zone d’accueil.
Santé mentale et bien-être
• 57 % des jeunes déclarent une détérioration de leur bien-être mental (65 % chez les déplacés, 52 % chez les jeunes à risque).
• La dépression (40 %), la peur (40 %), et le désespoir (38 %) sont les troubles les plus cités.
Education
• 53 % estiment que la qualité de leur éducation a été impactée.
• Les perturbations directes citées : la fermeture d’écoles, la perte d’une année académique, le déplacement forcé.
• Différences de genre : les garçons sont plus préoccupés par les fermetures des écoles (35 %) et la perte d’une année académiques (31 %) alors que les filles sont davantage affectées par des difficultés de concentration (29 %) et un accès limité à la poursuite des études (26 %).
Perspectives professionnelles et inclusion sociale
• 58 % des déplacés déclarent que leurs aspirations et opportunités professionnelles sont durement affectées. L’impact est plus fort chez les femmes (65 % vs 52 %).
• Les jeunes déplacés évoquent des opportunités d’emploi très limitées, les fermetures d’entreprises familiales, et l’accès réduit aux réseaux professionnels.
• 96 % des jeunes déplacés déclarent une dégradation de leur inclusion sociale.
Connaissance et accès aux droits
• Seuls 38 % connaissent leurs droits en tant que personne déplacée interne. Les garçons sont mieux informés que les femmes (48 % contre 27 %).
• 60 % dénoncent un manque d’information des autorités, tandis que 67 % estiment que l’accès effectif aux droits n’a pas été assuré.
QUELQUES TEMOIGNAGES DE JEUNES

« Les risques liés aux changements climatiques augmentent. »
Une jeune fille à risque de déplacement, Baloutchistan
« Le changement climatique a causé des inondations dans notre région. »
Une jeune fille à risque de déplacement, Sindh
« Le réchauffement climatique provoque la fonte des glaciers, entraînant une augmentation des fortes précipitations et des inondations. »
Un jeune garçon à risque de déplacement, Khyber Pakhtunkhwa
« En 2010, le gouvernement n'a pas été en mesure de prendre des mesures efficaces. Après la catastrophe de 2022, nous avons de nouveau été confrontés à de nombreux problèmes, comme lors des catastrophes précédentes. »
Une jeune fille déplacée, Pendjab
« Les catastrophes se multiplient de jour en jour : les inondations ont endommagé le canal, détruit les récoltes et causé de nombreux autres problèmes dus à la mauvaise qualité des infrastructures. »
Un jeune garçon du Pendjab
« Certaines personnes sont complètement effondrées, elles n'en peuvent tout simplement plus. Honnêtement, même nous, nous sommes à bout. Cela nous perturbe profondément. Même si nous essayons d'être gentils les uns avec les autres ici, le stress est si élevé que même les petites disputes dégénèrent rapidement. »
Un jeune garçon à risque de déplacement, Pendjab
« Nous ne pouvons pas dormir la nuit. Notre famille nous manque parfois. C'était une scène horrible, inimaginable. Je me souviens encore de la mort de mon oncle. »
Un jeune garçon déplacé, Baloutchistan
« J'ai perdu ma chance d'accéder à l'éducation. Je voulais poursuivre mes études, mais j'ai dû abandonner. Je n'avais pas d'autre choix dans la vie. »
Une jeune fille déplacée, Pendjab
« Il a fallu beaucoup d'efforts pour s'adapter émotionnellement et culturellement à ce nouvel endroit. Outre le fardeau financier, il nous a été très difficile d'établir une nouvelle routine et de nous adapter à la culture locale. »
Une jeune fille déplacée, Sindh
« Aucune autorité ne nous a aidés. Seuls les voisins ont aidé les uns les autres pour survivre. »
Un jeune garçon à risque de déplacement, Sindh

LES RECOMMANDATIONS DU SIF
1. Garantir la protection et la réalisation des droits des personnes déplacées internes à cause des catastrophes et des effets des changements climatiques, en reconnaissant les conséquences spécifiques du déplacement sur les plus vulnérables, en particulier les enfants et les jeunes.
2. Accroitre la visibilité des enfants et des jeunes dans toutes les phases de la réponse aux déplacements, en prenant en compte la spécificité de leur situation, les risques accrus auxquels ils font face, notamment en matière de protection, et les défis spécifiques en termes d'éducation et de moyens d’existence.
3. Assurer que la collecte, l’analyse et l’utilisation des données sur les déplacements soient ventilées par âge et par genre, afin d’assurer la pertinence et la qualité de la réponse. Selon l’âge de l’enfant ou du jeune, l’expérience des déplacements peut varier considérablement, sans compter l’intersectionnalité des vulnérabilités. Cela implique aussi d'adopter de collecter les données sur les déplacements lors de la collecte de données spécifiques sur les enfants.
4. Assurer que les enfants et les jeunes déplacés puissent participer de manière active, libre et significative aux processus de prise de décision aux niveaux local, national et international pour que leurs expériences soient considérées dans la réponse. Les enfants et les jeunes doivent participer, afin de ne pas être considérés uniquement comme des bénéficiaires de l'aide, mais en tant qu'agents à part entière de la réponse.
5. Reconnaître les déplacements internes dus aux catastrophes et aux impacts des changements climatiques comme un défi de développement complexe, accélérateur des inégalités et menaçant la réalisation des objectifs du développement durable et la stabilité des sociétés. Les déplacements entrainent des effets de long terme sur l’inclusion sociale et économique des jeunes, accroissant les risques de marginalisation, violence et instabilité.
6. Soutenir la mise en œuvre de solutions durables (retour, intégration locale ou réinstallation) et promouvoir des approches intégrées, avec des interventions d'urgence combinant des actions à long terme en matière de réduction des risques, d'adaptation et de cohésion sociale dans tous les secteurs, y compris l'éducation et les moyens d’existence pour les enfants et les jeunes.
7. Pour les personnes à risque de déplacement, assurer leur droit à déterminer leurs propres conditions de mobilité, en leur garantissant le libre choix entre rester, en se préparant et s’adaptant sur place, ou partir, en apportant des réponses spécifiques pour les jeunes et les enfants.
8. Assurer que les négociations mondiales sur le climat, notamment les discussions sur les pertes et dommages et l’adaptation, prennent en compte les déplacements et leurs impacts de court et long terme, et mobilisent des moyens à la hauteur des besoins exprimés et accessibles aux communautés affectées. Les enfants et les jeunes doivent être mis au centre de ces processus de décision, ainsi que dans leur mise en œuvre.
Spécifiques à l’éducation et aux moyens d’existence
1. Prioriser l’éducation des enfants et jeunes déplacés dès les premières phases de la crise afin de minimiser les perturbations dans leur éducation et leur formation et de maximiser la protection et le soutien offerts par les structures éducatives en rétablissant une routine quotidienne et en les aidant à retrouver un sentiment de normalité. Les écoles permettent d’accéder aux services sociaux de base (nourriture, eau potable, hygiène, santé et protection contre les violences). Cela signifie prioriser l’éducation, la protection de l’enfance, et l’appui à l’inclusion sociale dans les financements humanitaires.
2. Garantir l'accès des enfants et jeunes déplacés aux systèmes éducatifs nationaux, sans discrimination. Cela peut signifier de supprimer certains obstacles juridiques et administratifs pour les inscriptions, mais aussi de supprimer les obstacles financiers par la mise en place de bourses pour aider à financer l’éducation, y compris l’enseignement supérieur et la formation professionnelle. Des mesures spécifiques doivent aussi être prises pour garantir l’accès des filles déplacées à l’école.
3. Renforcer les systèmes éducatifs et d’insertion professionnelle pour qu’ils s’adaptent aux changements climatiques et pour garantir que les catastrophes perturbent le moins possible la continuité de l’éducation et l’accès aux moyens d’existence. Cela implique de renforcer les systèmes afin qu'ils soient en mesure d'accueillir les enfants et jeunes déplacés et de répondre à leurs besoins spécifiques (recrutement et formation des enseignants, en particulier sur le soutien psychosocial, infrastructures, curricula et matériels pédagogiques adaptés sur l’ensemble du continuum éducatif) et d’accompagner les jeunes vers l’autonomisation économique (formations accélérées, aide à l’emploi, soutien technique et financier à leur projet économique).


