Crise en Palestine - Gaza :

« Sans aide humanitaire, des gens mourront de faim »

Ryad, membre de l’équipe du Secours Islamique France (SIF), tire la sonnette d’alarme. Avec ses collègues, il a apporté du soutien alimentaire à 165 000 personnes sur place depuis le début de la crise, dans un contexte très dangereux. En 6 mois, au moins 200 humanitaires ont été tués, ce qui fait de Gaza la zone la plus mortelle au monde pour les ONG !

Depuis six mois, la bande de Gaza est touchée par un conflit d’une violence et d’une intensité sans précédents, ayant débuté deux jours après les attentats meurtriers du 7 octobre dernier. Des dizaines de milliers de personnes y ont perdu la vie, et plus d’1, 5 million se sont déplacées dans la partie sud, en quête d’une sécurité qu’elles ne trouvent pas. Extrêmement fragilisés, ces Gazaouis (sur)vivent dans des camps de fortune, des abris d’urgence, ou encore, des maisons surpeuplées.

Faute d’aide humanitaire en quantité suffisante, la famine menace la population de Gaza

Jour après jour, la crise s’aggrave, tant l’écart est important entre l’aide humanitaire qui entre au compte-goutte à Gaza, et les immenses besoins de la population. Désormais, se procurer de l’eau potable et de la nourriture est devenu mission impossible pour la grande majorité de la population : la famine et une crise sanitaire de grande ampleur sont des menaces réelles, selon les Nations Unies.

En outre, le danger est constant, et pèse même sur les humanitaires, pourtant protégés par le Droit International Humanitaire (DIH). Gaza est devenue la zone la plus meurtrière au monde pour les ONG, qui déplorent 200 morts dans leurs rangs ! Le Secours Islamique France n’a pas été épargné. Le 26 mars, nous avons été endeuillés par la mort de Suhail Abu Hasira, membre de notre staff local. Notre collègue a été tué avec son épouse, ses huit enfants et ses parents. Ce drame est la conséquence d’un bombardement de leur maison, située à proximité de l’hôpital Al-Shifae, à Gaza-Ville. 

Comme les autres 44 personnes que compte toujours l'équipe du SIF sur place, Suhail Abu Hasira avait participé aux distributions alimentaires d'urgence que nous avons déployées pour 165 000 personnes (dont 100 000 à l’occasion de Ramadan) depuis le début de la crise.

En Cisjordanie également, nos équipes sont très inquiètes de la situation

En parallèle, nous poursuivons nos actions humanitaires en Cisjordanie, où l’impact de la crise en cours à Gaza se fait de plus en plus sentir. Très inquiètes, nos équipes nous ont averti, à plusieurs reprises, qu’il devenait chaque jour plus difficile de se déplacer en toute sécurité. Ces problèmes compliquent la réalisation de nos projets dans un contexte où les besoins humanitaires sont en forte augmentation.

« Parfois, je me dis que je vais mourir » soupire, depuis Rafah, Ryad, de l’équipe du SIF à Gaza

Travailleur humanitaire pour le SIF, Ryad, quant à lui, est toujours à Gaza. Ce membre de notre équipe locale a été déplacé quatre fois avec sa femme et leurs deux enfants en bas âge. Il est désormais installé près de la frontière égyptienne, dans la ville de Rafah.

Notre collègue redoute fortement, comme le Secours Islamique France et l'ensemble des acteurs humanitaires, l’impact catastrophique qu’aurait une offensive sur la zone pour les civils déplacés, extrêmement fragilisés, n’ayant aucun autre lieu où aller. 

À bout de force, devenu lui-même dépendant de l’aide humanitaire, mais toujours opérationnel pour participer aux actions du SIF sur place, Ryad témoigne en évoquant la situation catastrophique qui touche la population au travers de son vécu d’humanitaire, et aussi d’habitant de Gaza.

TÉMOIGNAGES AUDIO DE RYAD, HUMANITAIRE DE L’ÉQUIPE DU SECOURS ISLAMIQUE FRANCE

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GAZA, RAFAH, LE 2 AVRIL 2024

« On passe la journée à chercher de l’eau et de la nourriture »

Si Ryad reste un travailleur humanitaire, il est aussi devenu un bénéficiaire. Comme l’ensemble des habitants de Gaza, notre collègue et sa famille dépendent totalement de l’aide humanitaire. Même son statut de salarié ne le protège plus, tant son pouvoir d’achat a chuté : les prix des rares denrées encore disponibles à Rafah ont explosé pour atteindre des sommets inaccessibles à la plupart des Gazaouis.  

« Sans aide humanitaire, les gens vont mourir de faim »

En dépit de la difficulté d'acheminement de l’aide humanitaire, l’équipe de Ryad est parvenue à mener plusieurs distributions alimentaires. Des actions absolument vitales : à Gaza, Ryad a vu, de ses yeux, des enfants succomber à cause du manque d’eau et de nourriture.  

« Ma petite fille a survécu par miracle. »

Victime de bombardements, la famille de Ryad n’en est pas ressortie indemne. Son beau-père souffre de multiples fractures à la colonne vertébrale. Âgée de 5 ans, Nay, sa fille, s’est retrouvée coincée sous les décombres. Si elle a survécu, la petite fille de notre collègue souffre de graves blessures à la tête et au visage.

« Ma petite fille est pétrifiée par le bruit des bombardements »

Nay reste traumatisée par ce qu’elle a subi lors du bombardement de sa maison. La fille de Ryad a impérativement besoin de soins médicaux et de soutien psycho-social, une mission impossible en ce moment à Gaza.

« Parfois, je me dis que je vais mourir »

Plus la crise s’étend dans le temps, plus Ryad oscille entre espoir d’un avenir meilleur, et peur de perdre la vie. Il explique que pour sa famille et parce que la nécessité d’apporter de l’aide humanitaire est trop importante, il refuse de baisser les bras,. « Ici, à Gaza, on supporte l’insupportable », souffle Ryad, la voix pleine de dépit.

« L’équipe du SIF est épuisée »

Notre équipe locale est majoritairement composée de Palestiniens : ils ne peuvent quitter Gaza légalement, les frontières leur sont fermées. Il est donc impossible d’opérer un roulement, d’où la fatigue morale et physique des femmes et des hommes qui composent nos équipes et qui continuent pourtant à apporter de l’aide humanitaire quand c’est possible. « Les conflits que l’on a traversés auparavant n’étaient rien en comparaison avec celui-ci ».

« J’espère vraiment un cessez-le-feu »

Très attaché à Gaza, Ryad a très longtemps refusé l’idée de la quitter. Mais la faim, la fatigue, la lassitude et le danger constant qui pèse sur lui et sa famille l’ont fait changer d’avis. Comme d’innombrables Gazaouis, il est désormais prêt à étudier tous les moyens pour se réfugier en Égypte avec les siens, et revenir si un cessez-le-feu, qu’il appelle de tous ses vœux, voit le jour. 

GAZA : LES RECOMMANDATIONS DU SECOURS ISLAMIQUE FRANCE (SIF)

Six mois se sont écoulés depuis le début du conflit, qui a provoqué une catastrophe d’une ampleur inédite à Gaza. Face à cette crise humanitaire d’une gravité inouïe, le SIF appelle à : 

  • Mettre en œuvre de toute urgence un cessez-le-feu immédiat, conformément à la résolution 2728 (2024) du Conseil de Sécurité des Nations Unies, seule solution pour permettre une réponse humanitaire à la hauteur des besoins à Gaza.

  • Respecter le Droit international humanitaire (DIH) et notamment les principes fondamentaux d’humanité, distinction, précaution, proportionnalité, d'interdiction des maux superflus et des souffrances inutiles*. Les attaques indiscriminées contre les civils représentent des violations du DIH. Tout doit être fait pour s’assurer que les populations et les infrastructures civiles soient épargnées des combats. La protection des personnels humanitaires et de santé (comme des populations civiles) est une obligation du DIH pour toutes les parties au conflit. 
 
  • Garantir le droit à l’assistance des populations impactées, afin de mettre un terme aux souffrances intolérables de la population. Un accès sûr, rapide et sans entraves à l'aide doit être assuré sans délai, et permettre les évacuations médicales d’urgence, en cohérence avec le DIH. 

  • Lever toutes les entraves à l’aide pour permettre une entrée massive et la distribution rapide de l’assistance humanitaire à la population de Gaza qui est au bord de la famine.
À l’entrée :

Ouvrir totalement tous les points de passage et réduire les restrictions à l’entrée de l’aide  (Rafah, Kerem Shalom / Karam Abu Salem, Erez / Beit Hanoun et Karni).

Assurer les autorisations à l’entrée de personnel humanitaire supplémentaire à Gaza pour permettre la rotation des staffs, appuyer les équipes sur le terrain qui travaillent dans des conditions extrêmement difficiles et font face à un épuisement physique et mental.
 
À Gaza :

Assurer la sécurité des travailleurs humanitaires, par la mise en place et le respect des mécanismes de « déconfliction ». Dans les zones de guerre, ce procédé consiste en l’échange d’informations (mouvement, localisation, zones d’intervention…) entre les acteurs humanitaires et militaires pour limiter au maximum le danger.

Restaurer les services de télécommunication pour permettre l’organisation de l’aide et la coordination, et assurer le passage sans entraves dans la Bande de Gaza.

(*) Droit international humanitaire | Croix-Rouge française

Le SIF alerte : pour l’aide humanitaire, la voie terrestre est la solution

Pour le SIF et nombre de ses pairs, les largages d’aide humanitaire par voie aérienne, et les ponts maritimes, ne sauraient constituer une solution. La voie terrestre doit être privilégiée, comme nous l’avions rappelé dans une tribune dans le journal Le Monde.

En effet, l’acheminement par les airs ou la mer limite les volumes d’aides qui peuvent être livrés par rapport à la voie terrestre, peut constituer un danger pour les populations lors des largages aériens ou des distributions.

En outre, ces approches ne garantissent pas que l’aide réponde précisément à la réalité des besoins et parvienne bien aux personnes les plus vulnérables, où qu’elles se trouvent. Ces largages ne respectent pas l’humanité ni la dignité des personnes impactées.

LES ACTIONS DU SIF

Faire un don au SIF pour la Palestine, c'est soutenir la population civile de Gaza par des distributions alimentaires, comme ici, en mars 2024.