« A Saint-Denis, le Secours Islamique France 

a un rôle particulièrement important à jouer »

Élu en juillet 2020, Mathieu Hanotin a entamé son tout premier mandat de maire à la ville de Saint-Denis. Vendredi dernier, l’ancien député de la Seine-Saint-Denis (2012-2017) et son équipe ont profité de  « La 4e Nuit des Solidarités » pour aller à la rencontre de personnes sans-abri sur les secteurs de la Porte de la Chapelle et de l’avenue du Président Wilson. A l’occasion de cette maraude sociale, l’équipe municipale avait choisi de se faire accompagner par la Croix-Rouge et le Secours Islamique France, représenté par l’un de nos travailleurs sociaux, Rachid El Aissaoui. Marqué par l’expérience, le maire de Saint-Denis salue le travail des ONG comme le SIF et se confie. Entretien.

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Deuxième en partant de la gauche, Mathieu Hanotin, le maire de Saint-Denis, échange avec un sans-abri sous le regard de Rachid El Aissaoui, travailleur social au SIF
(premier en partant de la droite avec un gilet orange)

Qu’avez-vous pu observer pendant la maraude ?

MATHIEU HANOTIN. « Beaucoup de précarité. C’est inquiétant, la pandémie de la COVID-19 ne fait qu’aggraver la situation, même si ce n’est pas une problématique que j’ai découvert ce soir-là. Sur Saint-Denis, de nombreuses actions de solidarité sont régulièrement organisées par des associations telles que la Croix Rouge et le Secours Islamique France, que je souhaite particulièrement saluer, et bien d’autres, comme les Restos du Cœur.

Quel regard posez-vous sur les associations telles que le Secours Islamique France (SIF) ?

M.H. « Que ce soit les associations disposant de grands réseaux à l’instar de celles que je viens de citer, ou les plus petites structures qui agissent pour la solidarité au quotidien dans les quartiers, toutes celles et ceux qui veulent s’engager au quotidien pour la solidarité sont les bienvenus à Saint-Denis. »

« Le Secours Islamique France a une grande expérience »

Quelle est la place du SIF dans l’organisation de la solidarité à Saint-Denis ?

M.H. « Le Secours Islamique France a un rôle particulièrement important à jouer. Y compris pour faire le relais avec les associations locales : elles ont la volonté et les bénévoles mais pas forcément l’ingénierie d’une structure comme le SIF, qui a une grande expérience. A la mairie, on veut construire une approche partagée des solidarités et continuer à développer de véritables partenariats avec les associations, tout en gardant un rôle important. On ne veut pas se contenter de déléguer sur un sujet aussi crucial. »

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Rachid El Aissaoui, en maraude pour le Secours Islamique France avec le maire de Saint-Denis à l’occasion de  « La 4e Nuit des Solidarités », échange avec un bénévole

Vous parlez de partenariats. Comment pourriez-vous renforcer les liens, déjà solides, avec le secteur associatif de Saint-Denis ?

M.H. Dans l’avenir, on doit se dire qu’il faut trouver des réponses à de nouveaux besoins. A Saint-Denis, mon équipe et moi-même voulons développer des bains-douches, très importants pour la dignité humaine. Mais aussi des haltes de nuit, et une nouvelle Maison de la Solidarité, qui n’est actuellement pas à la hauteur. C’est un lieu de ressources de la ville, mais aussi destiné aux associations. On doit vraiment l’améliorer qualitativement, notamment en termes d’accueil.

« Le modèle de la solidarité de demain est collaboratif avec, entre autres, le SIF »

Vous souhaitez donc renforcer les moyens alloués aux solidarités…

M.H. Les besoins en termes d’aide sont énormes. Il est donc impératif que ceux pour qui la solidarité est une valeur importante puissent s’engager, donc trouver des moyens et des outils adéquats ! C’est aussi pour cela que je parle de partenariats à long terme. Ensemble, on doit pouvoir répondre au quotidien à la problématique des solidarités, mais aussi être en capacité de réagir et d’être présent quand une crise survient. D’où ma conviction que le modèle collaboratif est le modèle de demain avec, entre autres, le Secours Islamique France.

Pour Saint-Denis, participer à la Nuits des Solidarités était une première...

C’est la même première fois pour une ville francilienne en dehors de Paris. C’était symbolique, modeste mais très important de le faire. La zone qu’on a choisie illustre parfaitement la fracture entre Paris et sa banlieue. Malheureusement, le premier mot qui vient à l’esprit quand on pense à la Porte de la Chapelle, c’est « barrière ».

« L’extrême pauvreté est bien présente »

Que voulez-vous dire ?

On veut construire une ville équilibrée. Dans notre vision des choses, c’est aussi une ville solidaire. Le travail ne doit pas s’axer uniquement sur l’urbanisme, mais prendre en compte la réalité des habitants. Ce secteur est très marqué par les phénomènes d’extrême pauvreté, qui est bien présente. C’est une vraie volonté politique de trouver des solutions concrètes. Oriane Filhol, mon adjointe en charge des Solidarités, de la Prévention spécialisée et des Droits des femmes, a une vraie fibre sociale. Ce nouveau regard sur la lutte contre la précarité, on veut le porter avec des associations comme le Secours Islamique France, la Croix Rouge et d’autres.     

« Mairie, associations…On doit tous prendre notre part de solidarité »

Pendant la maraude, avez-vous pu échanger avec des personnes sans-abri ?

Un homme, qui m’a dit venir de Libye, m’a profondément marqué. Il a 29 ans, il est SDF depuis 5 ans en France, et vit depuis un an autour de la Porte de la Chapelle. Quelque chose était terrible : on pouvait lire le désespoir dans ses yeux. Il semblait comme confronté au mur de l’absence de perspectives. Là où la mairie et les associations telles que le SIF ont un rôle, c’est de lui permettre de se raccrocher à la société. Il est jeune, et sans doute en capacité de travailler…

En capacité de travailler, mais trop en marge…

M.H. Ce n’était pas un marginal, mais, effectivement, comme pour d’autres dans son cas, c’est très compliqué. Affronter la montagne administrative leur paraît insurmontable, ne serait-ce que pour obtenir le droit d’asile. Alors, ils accumulent, décrochent et entrent dans un engrenage, c’est humain. On doit tous prendre notre part de solidarité. J’avais déjà participé à une maraude mais pas avec le SIF. Ces actions sont vraiment capitales pour maintenir du lien social…

« Le maire de Saint-Denis dégageait une émotion sincère »

Très expérimenté, Rachid El Assaoui travaille dans les locaux du SIF à Saint-Denis. Au quotidien, il accueille, en lien avec le « 115 », des personnes précaires, exclues ou en voie d’exclusion, et souvent sans-abri. A l’écoute, il recense notamment leurs besoins et les aide dans des démarches administratives, telles que l’obtention d’une couverture santé. Six soirs par semaine, ce travailleur social, accompagné d’une équipe de bénévoles, va à la rencontre des personnes sans-abri dans les rues de plusieurs communes de Seine-Saint-Denis pour leur apporter des repas chauds, des kits d’hygiène ou de lutte contre le froid, mais aussi conversation et chaleur humaine pour les sortir de l’isolement. Rachid El Aissaoui ne le cache pas, il a particulièrement apprécié ses échanges avec Mathieu Hanotin :

« J’ai senti une vraie volonté du maire de Saint-Denis et de son équipe de faire bouger les choses sur le sujet de la précarité. Clairement, ils étaient touchés. Mathieu Hanotin dégageait une émotion sincère ! Ils étaient un peu surpris du contact qu’on avait avec les sans-abri, et m’ont posé beaucoup de questions sur les besoins exacts de ces personnes. Le maire m’a aussi confié qu’il était rassuré de voir que le SIF avait une grande expérience sur ces problématiques. La mairie et le SIF, ce sont de vrais partenaires, et c’est très important ! »