LE SIF APPELLE LA FRANCE À RENFORCER SON ENGAGEMENT POUR LA PROTECTION DE L’ESPACE HUMANITAIRE

Insécurité alimentaire, catastrophes naturelles liées au réchauffement climatique, conflits armés… À notre époque, les crises humanitaires se multiplient à travers le monde, plongeant encore davantage dans la détresse des populations bien souvent déjà fragilisées. Dans le monde, plus de 570 000 femmes et hommes travaillent au quotidien dans un ONG comme le Secours Islamique France (SIF) pour développer des projets en leur faveur. En cette journée mondiale de l'aide humanitaire, unissons nos forces !   

D’après le bureau de coordination des affaires humanitaires de l’ONU, plus de 235 millions de personnes ont besoin d’aide humanitaire en 2021. Parmi elles, 160 millions de personnes sont ciblées pour recevoir de l’assistance dans 55 pays. Le financement nécessaire global s’élève à 35 milliards de dollars !

L’an passé, en 2020, 98 millions de personnes ont reçu du soutien humanitaire, ce qui nécessite un déploiement de plus en plus intense d’actions, donc la mobilisation de nombreux travailleurs humanitaires, dont la sécurité n’est pas toujours garantie. Malgré la situation, nous observons une réduction sans précèdent de l’espace humanitaire* dans lequel nous fournissons protection et assistance vitale aux populations les plus vulnérables.

Comme ses pairs, le Secours Islamique France, ONG de solidarité internationale, constate et regrette que les acteurs humanitaires sont de plus en plus fréquemment et directement pris pour cible dans de multiples zones d’intervention

En juillet, le bilan était d’ores et déjà alarmant. Depuis le début de l’année 2021, 116 attaques majeures** à l’encontre de travailleurs humanitaires sont à déplorer. Le bilan est très lourd : 78 d’entre eux ont perdu la vie, 113 ont été blessés et 41 ont été kidnappés.   Inacceptables, ces violences frappent essentiellement les personnels locaux. La situation s’inscrit dans la tendance des années précédentes et inquiète particulièrement le SIF.

Pour l’année 2020, le rapport de l’Aid Worker Security faisait ainsi état de 475 attaques pour 108 morts, 242 blessés grave et 125 personnes kidnappées. Face à cette situation alarmante, le SIF est engagé sans relâche pour la protection des travailleurs humanitaires. En coulisses, nos équipes se mobilisent auprès de l’Elysée et du Ministère de l’Europe et des affaires étrangères (MEAE) avec une idée majeure en tête :

La France doit élever au rang de priorité le respect de l’espace humanitaire

C’est pourquoi nous tenons à saluer la mobilisation accrue de notre pays sur la scène internationale au sujet de la problématique de la protection des travailleurs humanitaires. Le président de la République, Emmanuel Macron, l’a démontré en réaffirmant le respect du Droit international humanitaire (DIH) comme l’un des objectifs prioritaires de la France, des mots prononcés en 2020 devant l’Assemblée générale des Nations-Unies. Autre preuve, l’organisation en juillet 2021 d’une réunion spécifique sur la protection de l’espace humanitaire lors de la Présidence de la France au Conseil de sécurité des Nations Unies.

Pour l’occasion, Jean-Yves Le Drian, Ministre de l’Europe et des Affaires Étrangères, a notamment invité les États à se mobiliser pour que les acteurs humanitaires impartiaux ne soient pas sanctionnés au motif d’avoir accompli leurs missions conformément aux principes humanitaires. L’homme d’État en a également profité pour rappeler que le financement des opérations humanitaires ne doit pas être mis en péril par des pratiques de sur-conformité des banques. Les ONG n’ont pas besoin d’un obstacle supplémentaire quand il s’agit…d’agir !

Lors de cette réunion, le Secours Islamique France s’est d’ailleurs montré particulièrement actif. En compagnie de 18 autres ONG, nous avons fait part de demandes et apporté des recommandations :

Après avoir expliqué les risques encourus par nos équipes lors de leurs interventions sur le terrain, nous avons pointé l’urgence que des mesures soient prises pour protéger l’espace humanitaire. C’est une démarche indispensable afin que les principes fondamentaux de notre humanité collective** soient préservés.

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Le SIF a donc salué l’annonce par Antonio Guterres, Secrétaire Général de l’ONU, de la nomination d’un conseiller spécial dédié à la protection et au renforcement de l’espace humanitaire. Cette décision est une bonne nouvelle. Nous sommes convaincus que l’initiative exercera un impact significatif sur l’élaboration d’actions vouées à mieux protéger les acteurs de la solidarité internationale.

Malgré tout, le SIF ne relâche pas sa vigilance et poursuit sa mobilisation. Notre ONG continuera donc ses actions d’alerte et d’influence, notamment dans le cadre de la Présidence française de l’Union européenne (UE) de janvier à juin 2022.  En attendant, nous considérons que la France doit :

  • S’engager politiquement tant au niveau national qu’international 
  • Pour condamner toutes les attaques contre les travailleurs de la solidarité internationale de manière systématique et claire en veillant aux poursuites pénales ;
  • Pour pousser l’application et le respect du Droit international humanitaire. Notre pays doit encourager les États à adopter la même démarche, notamment par la signature de l’Appel à l’action humanitaire du 26 septembre 2019 initié par la France et l’Allemagne. Cet appel a été endossé par l’Union européenne et 48 États;

Pour proposer des actions concrètes afin de renforcer la protection des travailleurs humanitaire et plus largement de solidarité internationale, via des cadres de travail intégrant toutes les parties prenantes.

  • Garantir la mise en place de mécanismes de lutte contre l’impunité en cas d’attaques commises contre les travailleurs et leurs infrastructures;
  • Appuyer l’intégration d’exemptions humanitaires dans les régimes de sanction internationaux et européens, ainsi que les mesures antiterroristes, excluant l'action humanitaire impartiale du champ d'application de ces normes. En outre, sensibiliser les États à l’impact de ces normes sur l’aide humanitaire est tout aussi important ;
  • S’engager pour protéger les acteurs humanitaires et de solidarité internationale quelle que soit leur nationalité, mais aussi lutter contre la criminalisation de l‘action humanitaire et les risques de poursuites pénales qui frappent les ONG à cause des mesures et lois anti-terroristes ;
  • Veiller à ce que l'aide humanitaire soit garantie en dehors de tout agenda politique ou sécuritaire, et soit déployée uniquement en suivant l’expression des besoins des populations.

En dépit de progrès significatifs, le chemin paraît encore long. L’insécurité grandissante qui touche les ONG est la conséquence de nombreuses causes profondes et complexes qu’il faut traiter durablement. Lors de conflits, la multiplication des violations du droit international humanitaire par les États et les acteurs non étatiques, ainsi que l’instrumentalisation et la criminalisation de l’aide, ne peut qu’aggraver les risques déjà très importants pris par les travailleurs humanitaires sur le terrain.

Dans les contextes de crise complexe, la confusion entre les opérations humanitaires et civiles d’une part, et les opérations militaires d’autre part, provoque des doutes relatifs à l’impartialité dans l’esprit des parties prenantes. La simple rumeur d’une coordination des personnels humanitaires avec des agendas politiques peut engendrer une confusion entre les rôles et les mandats des différents acteurs, qui sont par conséquent mis en danger.

Enfin, l’application des différents régimes de sanctions et normes de lutte contre le terrorisme ont un impact négatif sur l’assistance humanitaire. En conséquence, des risques sécuritaires et juridiques pèsent sur les ONG.

Ces dispositions limitent la possibilité d’une aide basée sur les besoins des populations les plus fragilisées. Nous dénonçons une contradiction avec le droit international et les principes d’humanité, de neutralité, d’indépendance et d’impartialité.

*L’espace humanitaire comprend l’accès physique des acteurs humanitaires au terrain et aux populations dans le besoin, et leurs conditions de travail (sécuritaires, rapidité, dans le respect des principes humanitaires, etc.). Mais il englobe également l’accès des populations elles-mêmes aux services de base nécessaires à leur survie et protection.

**Source : Aid Worker Security Database.

*** Le principe d'humanité renvoie à l’idée qu’une solution doit être trouvée aux souffrances humaines partout où elles se manifestent. Une attention particulière doit impérativement être accordée aux populations les plus démunies.