Le Secours Islamique France salue le renouvellement des ambitions françaises de solidarité internationale.

Le 4 août 2021, la "loi de programmation relative au développement solidaire et à la lutte contre les inégalités mondiales" (LOP-DSLIM) a été promulguée ! Tout au long de l’élaboration du projet, le Secours Islamique France (SIF) s’est mobilisé en étant force de proposition auprès du Ministère de l’Europe et des Affaires étrangères (MEAE), du Conseil Economique et Social et des parlementaires. 

Nos efforts et arguments ont porté leurs fruits : nous avons notamment pu faire avancer le texte sur de nombreux sujets, relatifs à l’action humanitaire de la France, la promotion des droits de l’enfant, l’éducation, l’accès à l’eau et l’assainissement.

Le SIF salue le vote de cette loi qui renouvelle les ambitions de la France en matière de solidarité internationale. Néanmoins, nous tenons malgré tout à soulever quelques manquements et exprimer des inquiétudes.

Dispositions générales et priorités transversales

Pour le SIF, le fait que les principes directeurs de la politique de développement de la France se fondent sur les droits humains et le droit international humanitaire (DIH) est à souligner :

 

  • Droits humains: face à la réduction des espaces démocratiques à travers le monde, aux exactions des droits humains, aux inégalités croissantes liées aux discriminations structurelles, toute action doit contribuer à réaliser les droits humains. Nous sommes convaincus que c’est le moyen de parvenir au développement durable. L’action de développement et humanitaire de la France doit donc être appréhendée comme un outil de soutien à la mise en œuvre des obligations internationales des États en matière de droits humains.

 

  • Droit international humanitaire : face à la multiplication des violations du DIH et l’insécurité grandissante des travailleurs humanitaires sur le terrain, le SIF salue l’engagement de la France à la préservation de l’espace humanitaire en tant que condition majeure de l’action humanitaire. Nous louons également la mise en œuvre d’une diplomatie humanitaire active, qui promeut le respect du DIH. Cette approche permet de soutenir plus efficacement l’action des organisations, comme le SIF, dont la mission répond aux principes humanitaires de neutralité, d’indépendance et d’impartialité.

En outre, les principes de la loi se fondent également sur l’Accord de Paris et les Objectifs de développement durables (ODD) adoptés en 2015. Le texte est donc en cohérence avec les engagements internationaux pris par la France, ce qui est naturellement une satisfaction.

LE SECOURS ISLAMIQUE FRANCE SALUE L’ENGAGEMENT DE NOTRE PAYS DE « RELEVER LES DEFIS ENVIRONNEMENTAUX LES PLUS URGENTS DE LA PLANETE », PREMIERE PRIORITE TRANSVERSALE.

Pour la première fois, la loi de solidarité internationale prévoit une programmation financière pour atteindre ses objectifs. Contrairement à l’ancienne loi sur le développement de 2014, elle prévoit une trajectoire financière visant à consacrer d’ici à 2025 0.7% de la richesse nationale brute (RNB) à l’aide publique au développement (APD).

L’inscription de cette programmation dans le texte répond à une demande de la société civile, et notamment de Coordination sud (voir la réaction du Coordination Sud ici). Si les ONG ne peuvent donc que s’en satisfaire, le SIF reste, à l’instar de ses pairs, très prudent : la programmation financière reste soumise à une clause de revoyure en 2022 et n’est donc finalement contraignante que pour une année.

Concernant l’action humanitaire, dans le cadre de la 3ème priorité transversale, qui renvoie à la prévention et au traitement des crises et fragilités, la loi réaffirme bien l’engagement de la France à rehausser les moyens financiers annuels pour l’aide humanitaire, qui seront triplés d’ici à 2022. Si notre pays démontre ici son attachement au principe de non-discrimination des populations bénéficiaires de son assistance humanitaire, LE SIF REGRETTE QUE CE PRINCIPE NE SOIT PAS REAFFIRME POUR L’ENSEMBLE DES PROJETS FINANCES PAR L’ETAT VIA LES ORGANISATIONS DE SOLIDARITE INTERNATIONALE.  

S’engager sur cette voie aurait été synonyme de garantir à toutes les personnes vulnérables d’avoir un égal accès à l’aide, quel que soit le contexte d’intervention. Pour les ONG, cela aurait signifié la garantie de poursuite de leurs activités dans toutes les zones sans risques supplémentaires ni pour les équipes ni pour les populations qu’elles soutiennent.

Ces quelques bémols et zones d’ombre ne doivent pas occulter l’une de nos franches satisfactions : la loi priorise les zones de l’Afrique et de la Méditerranée pour son action de solidarité. Une partie des subventions (dons) de l’APD se concentre sur 19 pays prioritaires appartenant tous à la catégorie des pays les moins avancés. C’est bien là que les besoins sont les plus importants. L’aide française peut donc exercer une réelle plus-value.

Autre satisfaction : grâce au plaidoyer que nous avons mené avec le Groupe Enfance et Unicef France, les droits de l’enfant constituent désormais l’une des priorités de la politique de solidarité internationale de la France. Désormais, ils sont mentionnés dès l’article 1er du texte. 

Au-delà de cette mention, le texte relève plusieurs points clés :

  • l’importance du respect de la Convention relative aux droits de l’enfant et de ses quatre grands principes à savoir : la non-discrimination, l’intérêt supérieur de l’enfant, le droit à la vie, à la survie et au développement et la participation ;
  • « la concrétisation de l’égalité entre les filles et les garçons  et les droits […] des filles et des adolescentes dans l’ensemble des régions du monde » ;
  • le droit à la participation des filles et adolescentes. Néanmoins, il s’agit ici d’une avancée en demi-teinte. La mention du droit à la participation de tous les enfants et les jeunes aux programmes et politiques qui les concernent, reconnue dans une première version du texte, a finalement été supprimée de l’article 1er.

(Voir la réaction du Groupe Enfance et d’Unicef France ici)

Les avancées et manquements sur nos thématiques prioritaires d’intervention :

Actuellement, six thématiques constituent les axes prioritaires sectoriels de la politique de développement française. La première ? Le renforcement de l’action française pour lutter contre les maladies et soutenir les systèmes de santé, considérée par la loi comme une condition et un outil du développement humain et économique.

Le Secours islamique France constate que nos principales thématiques d’intervention ont bien été identifiées comme des enjeux cruciaux par la France dans son action de développement.

Deuxième priorité sectorielle, l’éducation. La crise de la COVID-19 et ses effets sur la problématique, en particulier sur les apprenants les plus marginalisés, ont une fois de plus révélé l’importance de systèmes éducatifs publics et inclusifs stables, bien financés, gratuits et conformes aux normes des droits humains. Les problèmes provoqués par la pandémie ont montré que ce processus ne peut être réalisé sans engagements ambitieux des États et de la communauté internationale.

En outre, la loi rappelle la responsabilité et le devoir pour la France d’assurer le droit à l’éducation dans le respect de l'égalité des chances, conformément aux normes et principes relatifs aux droits humains. Elle reconnait le « rôle de l’éducation pour remédier à toutes les inégalités ». La priorité est posée sur l’inclusion y compris l’égalité de genre, l’Afrique subsaharienne et le Sahel, les situations de crises, la gratuité et la qualité de l'enseignement de base, l’insertion professionnelle et le renforcement des systèmes publics. Ces enjeux, le SIF et la Coalition Education les considèrent comme prioritaires. Nous avons les défendus sans relâche lors des discussions sur la loi. Néanmoins, le texte ne précise pas d’engagements financiers au niveau bilatéral et multilatéral.

POURTANT, LES MONTANTS D’APD DEDIES A L’EDUCATION NE SONT PAS EN COHERENCE AVEC L’AMBITION PUBLIQUEMENT AFFICHEE PAR LA FRANCE DANS CE SECTEUR. ILS ENGLOBENT DES SOMMES CONTESTABLES 

EN SAVOIR PLUS EN LISANT NOTRE OBSERVATOIRE

La troisième position des thématiques prioritaires est la sécurité alimentaire qui est aussi une thématique prioritaire du SIF. Par cet axe, la France a pour objectif de continuer à œuvrer pour la sécurité alimentaire, la nutrition et l’agriculture durable. Ces problématiques sont au cœur des enjeux de développement humain et de lutte contre la pauvreté, donc absolument indispensables à la réalisation ODD.

Enfin, le Secours Islamique France salue l’intégration de l’accès à l’eau et l’assainissement en tant que 4ème priorité sectorielle de la loi. Les axes stratégiques retenus sont pertinents pour le secteur :

Mise en œuvre des droits humains à l’eau et à l’assainissement

Gestion intégrée et équitable des ressources en eau

Adaptation au changement climatique

Promotion de l’amélioration de la gouvernance mondiale de l’eau (cf. notre dernier article sur les avancées autour de la gouvernance mondiale ici)...

TOUTEFOIS, LE SIF DEPLORE L’ABSENCE TOTALE DE MENTION PORTANT SUR CERTAINES DE NOS DEMANDES, QUI APPARAISSENT POURTANT DANS LA STRATEGIE EAU DU MEAE :TOUTEFOIS, LE SIF DEPLORE L’ABSENCE TOTALE DE MENTION PORTANT SUR CERTAINES DE NOS DEMANDES, QUI APPARAISSENT POURTANT DANS LA STRATEGIE EAU DU MEAE :

Nécessité de rehausser la part des dons bilatéraux dans le secteur pour cibler davantage les PMA et en particulier les pays pauvres prioritaires

Engagement de rééquilibrer les financements entre eau et assainissement, en dédiant la moitié de l’APD pour l’assainissement, qui est largement sous-financé à l’échelle mondiale.

LE SIF LE RAPPELLE : 3,6 MILLIARDS DE PERSONNES, SOIT UNE PERSONNE SUR DEUX, N’ONT TOUJOURS PAS ACCES A DES TOILETTES ADEQUATES. LES IMPACTS SONT CATASTROPHIQUES SUR LEUR SANTE ET LEUR EDUCATION MAIS AUSSI POUR L’ECONOMIE DANS LAQUELLE ILS VIVENT (JMP 2020). 

Si le Secours Islamique France accueille donc l’adoption de la loi sur le “développement solidaire et à la lutte contre les inégalités mondiales” avec une réelle satisfaction, notre ONG poursuivra ses actions de plaidoyer sur le sujet. 

C’est ce que confirme Valentina Origoni, notre Responsable Plaidoyer et Relations extérieures :

Cette loi réaffirme les ambitions de la France en matière d’aide au développement. Elle encadre les principes directeurs et les orientations stratégiques pour les années à venir.

Avec la mise en œuvre d’une commission d’évaluation, la France s’engage à une plus grande transparence et redevabilité de l’aide française auprès de la société civile et du Parlement. Le SIF restera, malgré tout, mobilisé pour suivre la mise en œuvre de la loi, même si aucune disposition ne prévoit la participation des organisations de la société civile.

Nous plaiderons pour notre implication, mais aussi la prise en compte de nos analyses et nos recommandations dans cet exercice de redevabilité. 
POUR ALLER PLUS LOIN
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