LE SECOURS ISLAMIQUE FRANCE DONNE LA PAROLE À LA JEUNESSE SAHELIENNE, FRAGILISÉE PAR DE MULTIPLES CRISES

Insécurité, pauvreté, difficultés d’accès à un enseignement de qualité, crise économique, problèmes d’insertion sur le marché du travail, dérèglement climatique… Au Sahel, les motifs d’inquiétudes des enfants et des jeunes sont nombreux, comme le démontre l’enquête enrichie de témoignages menée par le SIF avec OpinionWay. Les principaux résultats de cette étude ont été consignés dans les Actes du Colloque international du SIF, aux côtés des prises de paroles et recommandations d'intervenants de haut niveau. 

La jeunesse du Sahel subit durement les conséquences de l’instabilité qui frappe la zone depuis plus de 10 ans. Pour mieux cerner l’impact exercé par la multiplication des crises, le Secours Islamique France a réalisé du 24 septembre au 3 octobre une enquête pour recueillir la voix des enfants et des jeunes sahéliens. Menée conjointement avec l’institut OpinionWay et soutenue par le Ministère de l’Europe et des Affaires étrangères, « Les jeunes Sahéliens ont la parole » permet de comprendre leurs aspirations, et leurs perceptions des facteurs de vulnérabilités qui limitent leur inclusion sociale et économique.

Une enquête inédite menée auprès de 1597 jeunes du Sénégal, du Mali et du Burkina Faso

L’étude a été menée auprès de 1 597 filles et garçons, âgées de 14 à 25 ans, au Sénégal, au Mali, et au Burkina Faso. Les entretiens ont été réalisés en face en face, auprès de jeunes vivant en zone urbaine, semi-urbaine et rurale. Trois focus groupes, un dans chaque pays, on également permis d'alimenter l'enquête.  Les répondants viennent d’horizons divers mais sont issus de couches socio-économiques très vulnérables : 38% d’élèves/étudiants, 30% de personnes sans emploi, 16 % d’ouvriers non qualifiés, 9 % de femmes au foyer, 4 % d’ouvriers qualifiés et 3 % d’entrepreneurs. En termes de niveau d’éducation, ils sont 34 % à ne pas avoir été scolarisés, 20 % ont fréquenté le primaire, 35% le secondaire, et 11% ont suivi un cursus supérieur.

Jeunesse sahélienne : Les Actes du Colloque sont en libre accès : prises de parole, recommandations, débats... 

Les résultats de cette enquête ont été présentés en Novembre 2022 à Dakar, à l’occasion du Colloque international organisé par le SIF en présence de nombreux intervenants de haut niveau : Enfance et Jeunesse au Sahel : facteurs d’exclusion, dynamique d’inclusion. Nos équipes avaient notamment pris la parole pour formuler des recommandations destinées à insuffler des changements profonds. Les débats et recommandations issus de cet évènement, qui marquait les 30 ans d'action du SIF, sont à retrouver dans les Actes du Colloque du SIF, consultables librement en ligne.

1. LES FACTEURS DE VULNÉRABILITÉ DES ENFANTS ET DES JEUNES AU SAHEL

L’insécurité et le manque d’argent, premières préoccupations.

Cité par 77 % des répondants, l’insécurité arrive en tête des préoccupations des jeunes, suivie par le manque d’argent à 72%. L’inflation (60%) et le manque de moyens pour réaliser ses projets, telles que les études, est évoqué par 43 % du panel.

« L’insécurité est en hausse. De petits groupes de jeunes sont formés dans les quartiers pour fumer du chanvre indien, se droguer ou boire de l’alcool. »

« Si tu n’as pas à manger, tu es tenté d’aller voler, la pauvreté est à la base de tous les mauvais comportements des jeunes. »

Près de 6 jeunes sur 10 sont inquiets à cause de leurs conditions de vie.

La promiscuité dans les familles, les inondations des quartiers et les problèmes d’accès à l’électricité sont les trois principaux motifs qui ressortent de l’étude.

« La promiscuité dans les familles cause des querelles et des vols. Les maisons sont petites et les familles nombreuses »

« L'inaccessibilité à l'eau potable dans certaines zones reculées, à l'électricité toujours dans ces zones qui empêche les élèves d'étudier où de faire les petits métiers »

La peur du djihadisme au Mali et au Burkina Faso s’ajoute aux nombreuses sources d’insécurité

Les jeunes filles et garçons interrogés évoquent le djihadisme à 61 % au Mali, et à 82 % au Burkina Faso. Au Sénégal, la crainte est limitée (11%). Globalement, la délinquance juvénile (drogues, etc) et les vols sont de vrais craintes (60 %) tout comme les violences entre jeunes (51%)

« On ne se sent pas en sécurité même dans la capitale parce qu'il y'a de plus en plus des agressions, des braquages, des bandes organisées. On ne peut plus se déplacer d'une zone à une autre sans frayeur. »

Le dérèglement climatique préoccupe près d’un jeune sur deux

Le Sahel est particulièrement vulnérable au changement climatique. Alors que la région n’est responsable que… d’1 % des gaz à effet de serre, elle est touchée par une large augmentation des inondations et des sécheresses. D’après la Banque mondiale, qui tire la sonnette d’alarme, 13,5 millions de Sahéliens supplémentaires pourraient tomber dans la pauvreté dans les décennies à venir si rien n’est fait pour s’adapter au problème. Les jeunes ne s’y trompent pas, puisque 52% des Burkinabés, 44 % des Maliens et 39 % de Burkinabés ne cachent pas leurs inquiétudes face aux effets néfastes du changement climatique.    

Les jeunes aspirent à de meilleures conditions de vie.

Les filles et garçons interrogés aimeraient pouvoir se projeter plus sereinement vers l’avenir. D’ailleurs, 82% aspirent à une meilleure situation financière, et 64% aimeraient pouvoir aider leur famille. L’instabilité qui règne au Sahel les inquiètent particulièrement, puisque 76% d’entre eux rêvent d’un pays en paix. Se marier et fonder une famille (53%)(et l’obtention d’un logement (41 %) sont également cités.

Face à l’accumulation de ces problèmes, les jeunes Sahéliens semblent pessimistes : près de 4 sur 10 ont déjà envisagé de quitter leur pays dans l’espoir de vivre mieux à l’étranger. Le phénomène est particulièrement important au Sénégal, où ils sont plus de 6 sur 10 !

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Comme ici au Mali, le SIF agit pour apporter du soutien à la jeunesse dans ses conditions d'éducation scolaire

2. L’ÉDUCATION ET L’INSERSION PROFESSIONNELLE DANS UN SAHEL EN CRISE PROLONGÉE

Plus de la moitié des Sahéliens jugent que l’éducation scolaire qu’ils ont reçue est de mauvaise qualité.

Au Sénégal, par exemple, seuls… 9 % se disent satisfaits, derrière le Burkina Faso (22 %) et le Mali (30 %) !

Les jeunes dénoncent un système mal adapté au marché du travail, des enseignants en nombre insuffisants, et peu qualifiés. L’accès à l’emploi est d’ailleurs perçu comme difficile pour 65% des interrogés. Les témoignages sont éloquents :

« Les longues grèves durant l’année scolaire perturbent la qualité de l’enseignement »

« Notre système éducatif est basé sur la théorie. Il n’y a pas de matériels pour la pratique. Même au campus c'est pareil, les laboratoires ne sont pas équipés. On n’est pas préparé à la réalité du monde du travail. »

« Il y a des élèves qui payent pour passer en classe supérieure »

Les jeunes sont effectivement confrontés à de nombreuses difficultés dès lors qu’il s’agit de s’insérer sur le marché du travail.  

Par exemple, 53 % constatent que les entreprises n’embauchent pas assez (62 % au Burkina Faso), 51 % parlent de l’inexpérience, et 59 % estiment qu’ils n’ont pas assez de relations pour les aider à trouver un emploi. La parole aux interrogés :

« Dans nos quartiers, on voit des jeunes diplômés chômeurs qui errent partout ou bien qui finissent par faire des métiers comme ambulants ou ouvriers »

« Nous n’avons souvent pas les formations adéquates que demandent les entreprises. »

La suite de l’étude évoque les facteurs déterminants de l’ascension professionnelle cités par les jeunes (diplôme, chance, compétence métier, réseau…) et les modèles de réussite (principalement la famille et les femmes/hommes d’affaire mais aussi les sportifs). Les perceptions de l’inégalité des genres sur l’accès à l’éducation, différente selon les pays, sont également analysées.

3. L’INSERTION SOCIALE DES JEUNES ET LEUR RESILIENCE DANS DES CONTEXTES FRAGILISES

Les jeunes sont effectivement confrontés à de nombreuses difficultés dès lors qu’il s’agit de s’insérer sur le marché du travail.  

La troisième partie de l’étude s’attarde sur de nombreuses problématiques. Les enseignements sont riches :

  • Plus des deux tiers des jeunes Sahéliens estiment que leurs avis sont pris en compte par les adultes dans les décisions qui les concernent. Cette perception est particulièrement importante au Sénégal (83 %) et au Mali (73 %) mais moins au Burkina Faso (50 % seulement)
  • Mais pour les jeunes interrogés, les autorités ne se préoccupent que trop peu à eux : ce jugement est formulé par 81 % d’entre eux (90 % au Sénégal, 85 % au Burkina Faso, et 69 % au Mali. Un témoignage illustre parfaitement ce sentiment :

« En réalité, les autorités ne s'intéressent pas aux jeunes, ils disent qu'ils veulent les aider mais ils utilisent la jeunesse pour s'enrichir, c’est tout. »

  • Face aux difficultés, les jeunes se tournent et se sentent aidés par le cercle proche : famille (87 %) et amis (55 %). Les autorités religieuses (21 %) et politiques (20 %) arrivent loin derrière, tout comme la communauté (15 %).
  • Le sentiment d’implication des jeunes dans les actions communautaires est particulièrement faible : le chiffre atteint à peine un sur trois.

Quand on demande aux jeunes Sahéliens de se projeter dans cinq ans, ils gardent espoir : par exemple, 76 % se voient dans un travail plus stable. En revanche, seul un tiers s’imagine avoir obtenu un diplôme.

Malgré les difficultés, les jeunes Sahéliens restent optimistes pour leur pays : 53 % pensent qu’il y aura moins de délinquance, 51 % plus d’opportunités d’emploi, 46 % moins de pauvreté et 43 % moins d’insécurité.

Plus de détails et de chiffres dans l’étude complète

ALLER PLUS LOIN : FLORILEGE DE TEMOIGNAGES

ONG de solidarité internationale, le SIF mène de nombreuses actions de plaidoyer pour porter la voix des populations vulnérables auprès des décideurs avec un objectif : pointer les causes profondes des problèmes, et insuffler des changements durables. Pour renforcer nos projets, nous avons besoin de vous.