En direct de Palestine :
« Ici, à Gaza, on a tous besoin d’aide humanitaire, sans exception », témoigne Leila, de l’équipe du SIF dans la bande de Gaza.

Elle-même en grande difficulté à cause du conflit, Leila, qui fait partie de notre staff local, participe à nos distributions alimentaires, qui ont pour l’heure apporté du soutien à plus de 50 000 personnes dans une situation de dénuement extrême. Une nouvelle action de soutien alimentaire est en cours au moment où nous écrivons ces lignes, le 4 mars. 

Née en Palestine il y a 25 ans, Leila (en tenue rouge sur la photo ci-dessus) a toujours vécu à Gaza. Depuis ses premiers mois, sa vie n’est pas simple : elle n’en avait que six quand elle est devenue orpheline de père. À l’époque, le bébé qu’elle était avait été pris en charge par le Secours Islamique France (SIF) au travers d’un de ses principaux programmes, le Parrainage. Devenue adulte, et après avoir pu suivre des études universitaires, Leila est entrée dans la vie active en intégrant le SIF comme… Chargée de projets parrainage et d’aide à l’enfance dans nos bureaux de Gaza. 

Depuis le 7 octobre, Leila refuse d’abandonner sa mission humanitaire malgré la violence du conflit, et parvient à trouver la force d’aider la population civile avec le SIF, qui déploie des distributions alimentaires d’urgence à Gaza. Une leçon de courage et d’abnégation : Leila, sa petite fille de deux ans, sa famille et ses proches eux-mêmes ayant perdu leurs maisons, restent constamment exposés au stress des bombardements, et subissent les effets des pénuries alimentaires et d’eau particulièrement drastiques. « Aucun de mes mots ne sera jamais assez fort pour rendre compte de l’ampleur de nos souffrances », confie Leila, qui a accepté de témoigner de la situation à Gaza.

Le contexte à Gaza : « Plus rien pour subvenir à nos besoins »

« À cause de cette guerre, des milliers et des milliers de personnes ont dû se déplacer. Elles n’ont eu d’autres choix que de fuir leur maison, sans aucun préavis, sous la menace constante des bombardements. Toutes ces personnes vivent maintenant dans des tentes, dans des zones de conflit complètement inadaptées. La situation s’est encore dégradée avec l’arrivée de l’hiver : le manque de lits, de couettes, et de vêtements chauds se fait durement sentir, il n’y a plus rien sur les marchés pour qu’on puisse faire face au froid glacial.  De plus, avec les pluies régulières, l’eau s’infiltre dans les tentes, et les eaux usées coulent dans les rues, ce qui provoque le développement d’épidémies. C’est très inquiétant, car les infrastructures de santé débordent de monde, la plupart sont presque hors service, et manquent des traitements et médicaments nécessaires.  Toutes ces souffrances s’intensifient à cause de la faim et de la soif : nous n’avons plus rien pour subvenir à nos besoins les plus essentiels. »

Le quotidien à Gaza : « Nos conditions de vie sont inhumaines »

« Chaque matin, nous nous levons en remerciant Dieu d’être toujours vivants et de ce monde. Mais finalement, on n’a pas le temps d’y penser. S’aventurer dehors est un risque pour nos vies, mais on doit sortir dans l’espoir de trouver de la nourriture et de l’eau, puis on rentre, épuisés. Ici, à Gaza, on ressent tous de la peur à chaque instant, et beaucoup la crise, qui se manifeste en tout. Ce conflit dure depuis maintenant 4 mois, et on n’entrevoit pas le moindre signe d’une issue prochaine. La situation est tellement grave que tout le monde, sans exception, a besoin d’aide humanitaire. Nos conditions de vie sont inhumaines, et on a du mal à comprendre : parfois, on a le sentiment que notre seul tort à nous, les civils, est d’habiter en Palestine… » 

Les distributions alimentaires du SIF : « L’un des rares moments où les enfants sourient… »

« Distribuer de l’aide humanitaire à Gaza constitue un défi immense : l’insécurité permanente complique l’acheminement des colis, et regrouper les bénéficiaires en un seul endroit peut être dangereux en cas de bombardements, on doit faire attention à tout ! On se concentre sur les personnes déplacées, qui vivent dans des conditions extrêmement difficiles. Elles sont très affaiblies, il pleut régulièrement, l’eau envahi leurs tentes, et les eaux usées coulent dans les rues, véhiculant des maladies. Pour les bénéficiaires, les colis sont d’une aide vitale. D’une part, parce que leur apport nutritionnel est conséquent. D’autre part, parce que les prix ont explosé : les denrées alimentaires sont devenues rares. Tout ce qu’il reste est donc très cher, donc hors de portée pour la plupart des Gazaouis. Les distributions figurent d’ailleurs parmi les rares moments où l’on voit des enfants sourire… »

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En plus de leur valeur nutritionnelle, les colis apportent du réconfort aux bénéficiaires, dont de nombreux enfants, sous le choc quotidien d’une guerre sans précédent à Gaza.

L’état moral : « On est à bout psychologiquement »

« Le découragement prend parfois le dessus parce qu’on est à bout psychologiquement. La destruction de nos maisons a effacé nos souvenirs agréables, pour ne laisser place qu’à la réalité du conflit. Ici, ils sont innombrables à avoir perdu un ou même plusieurs membres de leur famille, ou des proches, sans même avoir pu lui ou leur dire adieu, ou partager un dernier regard. Cette guerre empêche même d’être en deuil dignement. Moi-même, je suis terrifiée à l’idée de perdre mes sœurs et ma mère : avec ma fille, elles représentent tout ce qu’il me reste dans la vie. Mes sœurs et ma mère sont loin de moi, les coupures constantes des réseaux de téléphone et d’internet m’empêchent de prendre régulièrement de leurs nouvelles. Comme moi, beaucoup de gens s’accrochent à l’espoir d’une paix qui leur permettrait de retrouver de la sécurité, et la chaleur d’un foyer avec ceux qu’ils aiment… »

La guerre et l’enfance : « Ma fille me dit souvent "Maman, notre maison est cassée" »

« Ma fille Maria était une enfant pleine de vie, qui passait son temps à rire et à jouer. Avec cette guerre, elle est plongée dans la peur, et ne dort plus à cause des intenses bruits d’explosion. Les mots qu’elle entend et apprend ne sont que des mots d’effroi. Maria est perdue, elle nous pose sans cesse la même question : où est la maison ? Quand elle la voit en photo, elle pleure et dit "Maman, notre maison est cassée, mon cheval en bois aussi". Elle demande sans cesse ses jouets, surtout quand elle s’en souvient après avoir vu des images sur le téléphone. Puis, ses larmes coulent de nouveau. Tout ce que je peux faire, c’est la porter, et essayer de la réconforter. Récemment, Maria est tombée malade, elle a une grippe qui ne finit pas, et tousse sans arrêt. Je suis extrêmement inquiète pour elle… »

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En Palestine, le SIF est mobilisé pour apporter à Gaza un soutien alimentaire crucial à la population civile, qui manque de tout

À GAZA, L’URGENCE HUMANITAIRE EST ABSOLUE