« Au Burkina Faso, la crise pèse durablement sur la population »

Désiré M., Chef de mission du Secours Islamique France (SIF) dans ce pays d’Afrique de l’Ouest. 

Au Burkina Faso, la situation est très préoccupante. Ce pays est considéré par l’ONU comme l'épicentre des violences provoquées par les groupes armés dans le Sahel. La frange la plus vulnérable de la population est la victime collatérale : près de 2 millions de personnes se sont déplacées en quête d’un endroit plus sûr à l’intérieur même du Burkina Faso.

Leurs conditions de vie sont très difficiles : au moins 3,4 millions de Burkinabés sont actuellement en état d’insécurité alimentaire, dont 700 000 enfants menacés par la malnutrition aiguë. Les problèmes sont aggravés par le manque d’accès à l’eau.

L’instabilité et la gravité de la crise humanitaire au Burkina Faso, Désiré M. en est un témoin direct. Chef d’une mission ouverte par le SIF il y a un peu plus d’un an, il travaille sans relâche au développement de nos actions sur place. Notre collaborateur fait le point depuis nos locaux de Ouagadougou, la capitale.

Pouvez-vous nous décrire le contexte actuel au Burkina Faso ?

Plutôt habitué au calme, le Burkina Faso a basculé dans une crise sécuritaire qui pèse durement sur la vie des gens. Avec mes équipes, nous remarquons une vraie détresse, un appauvrissement général. Une grande partie de la population s’est déplacée en masse à cause de l’instabilité. Les conséquences sont catastrophiques. Ces personnes ont perdu leurs moyens d’existence, et, vu le contexte, il est très difficile d’en développer de nouveaux. Sur ce point, le dérèglement climatique complique encore plus les choses.

C’est-à-dire ?

Comme les autres pays du Sahel, le Burkina Faso est particulièrement vulnérable à la crise du climat. Les sécheresses sont récurrentes, les sols sont arides et peinent à absorber les rares pluies, ce qui provoque des inondations. Malheureusement, ces catastrophes naturelles ne sont pas sans conséquences sur la production agricole, qui n’est pas à la hauteur des besoins de la population.  

Quel est le quotidien des personnes déplacées ?

Certaines se sont installées dans des camps de fortune, insalubres. D’autres errent dans Ouagadougou, la capitale, et n’ont d’autres choix que de solliciter de l’aide. Ces personnes n’ont rien à manger ou à boire, ils sont dans l’incapacité de répondre à leurs besoins de base. D’ailleurs, le SIF vient de leur venir en aide par une action d’urgence.

En quoi consiste cette action ?

Nous avons identifié plus de 3 500 personnes parmi les plus affectées à Ouagadougou. On a organisé une distribution monétaire pour qu’elles puissent subvenir immédiatement à leurs besoins fondamentaux. On a privilégié cette stratégie aux colis alimentaires pour leur laisser le choix des denrées : cela permet d’individualiser le soutien pour plus d’efficacité. Par exemple, certaines familles ont des enfants en bas âge, d’autres non, les besoins sont donc différents.

Pour ces 3 500 personnes, cette opération est une bouffée d’oxygène…

Notre volonté était avant tout de les aider à survivre, ce qui passe par une période de stabilisation. Mais on ne les abandonne pas à leur sort : ce n’était qu’une première étape, avant le déploiement de projets sur le long terme. Pour l’instant, d’innombrables personnes dépendent exclusivement de l’aide humanitaire, il est très important de les accompagner vers un retour à l’autonomie. Le Secours Islamique France veut toucher davantage de personnes, dans de nombreux domaines.

Quels sont les projets du SIF pour 2023 au Burkina Faso ?

La mission Burkina Faso du SIF est en plein développement. On a notamment prévu de procéder à des forages de puits dans 15 villages de la région des Cascades. Pour la sécurité alimentaire, nous avons également planifié, par exemple, la mise en place de groupements de femmes, destinés à les soutenir dans le développement d’activités génératrices de revenus. Nous agirons également sur les problématiques d’éducation et de bien-être de l’enfance, notamment au travers de projets pour les enfants et jeunes talibés* comme le SIF le fait déjà au Mali et au Sénégal. En parallèle, nous continuerons bien sûr de déployer des actions d’urgence.

Le Burkina Faso est également intégré à nos projets saisonniers…

Oui ! Les équipes du SIF procéderont à des distributions alimentaires renforcées pendant le mois de Ramadan. C’est un moment particulièrement important pour les Burkinabés. Nous organiserons aussi des distributions de colis de viande à l’occasion de l’Aïd Al Adha : l’an passé, nous avions pu apporter de l’aide à plus de 10 000 personnes…

(*) Les talibés sont des enfants et des jeunes scolarisés dans les écoles coraniques informelles dans des conditions précaires. Le SIF développe des projets pour favoriser leur inclusion sociale, en créant notamment des passerelles avec l’enseignement officiel.

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Basé au Burkina Faso depuis 2021, le SIF organise notamment des distributions d’urgence, telle que du cash transfert pour aider les plus vulnérables à subvenir à leurs besoins les plus urgents.

ONG de solidarité internationale, le Secours Islamique France intervient dans une vingtaine de pays par an, dont le Burkina Faso. Labellisé par le Don en Confiance, nous avons besoin de vous pour renforcer nos actions humanitaires là où les besoins l’exigent.