Le SIF ouvre une Mise à l’abri
pour des femmes isolées

Pendant tout le mois de février, le Secours Islamique France (SIF) a installé une mise à l’abri temporaire à Livry-Gargan. Dix femmes sans-abri ont été accueillies dans un gymnase spécialement aménagé. La jeune Aya* en fait partie. De la Côte d’Ivoire à la Seine-Saint-Denis en passant par la Lybie et l’Italie, découvrez son histoire poignante…

Assis devant son bureau, Rachid étudie minutieusement le dossier d’une bénéficiaire. Il est 18 heures en ce mardi 9 février 2021. L’expérimenté travailleur social du Secours Islamique France (SIF) vient tout juste d’arriver à Livry-Gargan, en Seine-Saint-Denis. Aidé par un agent polyvalent, Rachid s’apprête à accueillir dix femmes sans-abri, envoyées par le « 115 » et hébergées chaque nuit pour un mois dans un gymnase aménagé spécialement pour elles, équipé de lits, de douches et de toilettes.

* Le prénom a été changé

Le SIF met tout le nécessaire à leur disposition

Sur le comptoir près de l’entrée, du thé, du café, des fruits et des repas chauds sont déjà prêts pour les bénéficiaires de cette mise à l’abri temporaire. Des kits d’hygiène ainsi que tout le nécessaire pour que ces femmes puissent se protéger au mieux de la Covid-19 sont disposés sur une table. La pandémie a d’ailleurs contraint le SIF à adapter le dispositif : si vingt bénéficiaires avaient été pris en charge l’an dernier, la capacité a dû être réduite de moitié pour respecter les indispensables règles sanitaires, notamment la distanciation sociale.

Aide d’urgence et recherche de solutions d’hébergement pérennes

« Cela fait du bien d’être ici. Qu’est-ce qu’il fait froid dehors, c’est horrible ! » Soudain, le calme ambiant est brisé par l’arrivé d’une bénéficiaire, bientôt suivie par les neuf autres pensionnaires. « A Livry-Gargan, elles retrouvent un peu de sérénité, explique Rachid, le travailleur social. Mais elles restent préoccupées par ce qu’elles vont devenir après. C’est normal, elles ont vécu l’enfer de la rue. Mais je les rassure. On ne laisse personne à la rue après l’opération… Chaque année, on leur trouve une solution d’hébergement pérenne… »

Pour aider au mieux ces femmes fragilisées, le travailleur social opère un travail de fond. Leur parcours est minutieusement analysé, les besoins identifiés. « La première chose que l’on fait, c’est la domiciliation, décrypte ainsi Rachid. Sans adresse, il leur est impossible de trouver un travail, ou de faire ouvrir des droits, comme une couverture santé… »

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Le maire et les élus de Livry-Gargan en visite au sein de la mise à l’abri.

Des examens médicaux à l’arrivée des bénéficiaires

Le SIF accorde d’ailleurs beaucoup d’importance à la santé des bénéficiaires. Dès le premier jour, chacune d’entre elles a été auscultée au gymnase par un médecin. « Pour les cas les plus urgents, ou les plus graves, on prend des rendez-vous à l’hôpital » précise le travailleur social du SIF. Il faut dire que toutes ces femmes reviennent de très loin. C’est le cas d’Aya. Arrivée à Paris fin 2020, cette jeune Ivoirienne de 22 ans a longtemps dormi seule dans un parking souterrain après avoir survécu à l’horreur.

Comme les neuf autres bénéficiaires, Aya revient de très loin

En 2020, Aya se résout à abandonner son métier de coiffeuse et quitter son pays d’origine. « On voulait me marier de force » témoigne-t-elle. La jeune Ivoirienne rejoint alors une amie en Libye, qui lui paie son billet d’avion et lui promet un travail. « Quand je suis arrivée chez ma camarade, elle m’a proposé de me prostituer, soupire Aya. C’était hors de question pour moi. J’ai refusé, mon amie m’a mise à la porte, je me suis retrouvée seule, sans personne… »

Dans la rue, Aya vit cachée. Petit à petit, elle est rongée par la faim et la peur de subir des violences. « Un jour, un homme m’a tendu la main, et m’a proposé de m’héberger, se souvient-elle. J’ai cédé, il avait l’air gentil, et je n’en pouvais plus. Mais la réalité, c’est qu’il voulait m’extorquer de l’argent. Il m’a obligé à appeler mes parents, qui ne pouvaient pas payer. Alors, il a cassé mon téléphone de colère, et m’a jetée à la rue… »

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Une bénéficiaire récupère son repas chaud à l’accueil sous le regard de Rachid, le travailleur social du SIF.

Aya a survécu à la traversée de la mer en bateau de fortune

Alors qu’elle avait perdu espoir, Aya rencontre une femme qui lui tend la main. Elle lui propose de se cacher chez elle et de la mettre en contact avec des passeurs pour qu’elle puisse fuir vers l’Europe. « J’ai finalement été appelée, poursuit la jeune Ivoirienne. J’ai traversé la mer Méditerranée sur un petit bateau. On était une centaine, il faisait nuit, j’étais malade et enceinte. C’était vraiment très dur, mais j’ai survécu. En Libye, la femme que j’ai rencontrée m’avait donné un contact qui pourrait m’aider. Mais personne n’a répondu quand je suis arrivée en Italie… »

En France, Aya, seule, a été prise en charge par le SIF
alors qu’elle était à la rue

En France, Aya, seule, a été prise en charge par le SIF alors qu’elle était à la rue

Après quelques jours d’errance sur la côte transalpine, Aya, désabusée, monte dans un train au hasard. Quelques heures plus tard, elle arrive à Paris. « A la gare, j’ai discuté avec une dame, qui m’a donné une puce téléphonique pour appeler le « 115 », indique-t-elle. Elle m’a aussi indiqué un parking où je pourrais me cacher et dormir. J’avais froid, je me souviens encore du froid entrer en moi. Heureusement, cela n’a pas duré longtemps… »

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Les femmes récupèrent leur kit d’hygiène mis à disposition par le SIF.

Les parents d’Aya la croyaient morte

Quelques jours plus tard, les services du « 115 » la mettent en relation avec le SIF, où elle a été prise en charge par Rachid, le travailleur social. « Quand je suis arrivée à Livry-Gargan, j’ai appelé mes parents, explique Aya. Ils pensaient que j’étais morte, mes funérailles avaient même déjà eu lieu. On a pleuré de joie en se parlant… »

à Livry-Gargan, le début d’une nouvelle vie

Petit à petit, la jeune femme se reconstruit au sein de la mise à l’abri du SIF. « J’ai encore des pensées noires, mais au moins, je les ai au chaud et le ventre plein, confie-t-elle. Je n’avais plus de forces en arrivant ici, je me sens mieux, les gens sont tellement bienveillants avec moi. Grâce au SIF, je reprends espoir et je retrouve la santé. Un jour, j’aurai de nouveau une vie normale. Je n’oublierai jamais ce que le SIF a fait pour moi… »