Témoignage Tchad : J’ai rencontré la faim...

Témoignage de Mohamed El Ouardi , Chargé de mission

 

Vendredi, 12 décembre 2008

J’ai rencontré la faim

 

Il est très difficile de décrire la faim, il faut la vivre ! Avoir faim, c’est rester sans boire ni manger pendant des jours et des jours. J’ai rencontré la faim lors de mes déplacements en Afrique, en Asie ou en Tchétchénie.

 
Ce qui est commun à ces différents sites d’interventions humanitaires, c’est le manque. Se réveiller le matin sans eau pour boire, se laver, cuisiner ou nettoyer, c’est vraiment difficile. Sans eau, il est impossible de préparer le repas. Il n’y a pas d’hygiène possible. L’eau est la base de tout. Les femmes et les enfants ont la peau sur les os. C’est dû à la malnutrition, à la consommation d’une nourriture trop pauvre. Certains mangent des feuilles d’arbre ou des insectes parce qu’il n’y a rien d’autre. D’autres boivent de la bouse de vache diluée dans de l’eau pour enrayer les hémorragies, conséquence de l’eau insalubre.
 
Je suis encore marqué par notre intervention au Kenya. Nous devions distribuer des produits alimentaires à des familles nécessiteuses inscrites sur une liste - il y en avait environ 400. Arrivés sur les lieux, nous en avons décompté plus du double. C’était très difficile pour moi de dire à ces gens que nous n’avions rien à leur donner. Ils venaient de parcourir des kilomètres à pied, avec leurs enfants en bas âge, sans s’être alimentés durant des nuits et des journées de marche et, pour finir, arriver sans que l’on puisse leur donner un colis ! Ils avaient entendu dire qu’il y avait une distribution faite par le
Secours Islamique dans cette région à la frontière entre la Somalie et l’Ethiopie.
 
Les images de ces femmes et de ces enfants sont aujourd’hui encore devant mes yeux. C’est ce qui motive mon engagement. J’essaie de sensibiliser les hommes et les femmes autour de moi, les donateurs, ou tous ceux qui sont au contact de l’humanitaire pour que la situation de ces gens en manque d’eau, en manque de nourriture, ne soit pas oubliée. La faim perdure. A chaque fois que ces populations entendent qu’il y a une distribution de nourriture qui est faite à certains endroits, ils parcourent des kilomètres pour pouvoir au moins être inscrits à la prochaine distribution !