FOCUS SUR LES BESOINS DES ENFANTS PAR AMEL RACHEM

 
De quoi a besoin un enfant pour se développer correctement ? Quelles sont les conditions à réunir pour qu’un enfant grandisse sereinement et se construise normalement ? 
 
Amel Rachem, éducatrice spécialisée et fondatrice de Ahly Magazine, nous livre son analyse.
 
Secours Islamique France : Pouvez-vous nous dire ce dont a besoin un enfant pour grandir de manière sereine ? Autant lui-même que dans son environnement ?
 
 
 
 
 
Une étude a été faite en 1969 par J.Bowlby (…) sur l’attachement  à la mère. L’étude prouve qu’en fait, l’enfant a besoin de sa mère ou d’un substitut maternel, de quelqu’un d’aussi proche qu’une maman. Les bébés qui vivent en orphelinat, ou qui n’ont pas de parents, ou les enfants nés sous X qui ne sont pas adoptés, ont besoin d’avoir un repère maternel, un substitut maternel. Si ce n’est pas le cas, ce sont des enfants qui arrêtent de se nourrir, chose pouvant mener jusqu’au suicide. 
C’est encore assez courant, même en France, surtout dans les milieux où les familles sont déchirées par la drogue. Les bébés font alors de grandes dépressions. J’ai déjà vu ce genre de situation quand je travaillais dans la protection de l’enfance. On peut également penser à ce qu’il se passe en Syrie et en Palestine, où il y a de plus en plus d’orphelins. L’attachement à la mère ou à une personne qui va donner autant d’amour qu’une mère est donc un des points absolument importants selon moi.
 
 
 
 
 
« Il ne faut pas que l’enfant ressente la sensation de faim »
Les enfants ont également des besoins vitaux : manger un minimum pour grandir de manière sereine, (…) se développer et aussi avoir une santé future correcte. On ne parle pas des cinq fruits et légumes par jour comme en France. Il s’agit d’autres besoins. Il ne faut pas que l’enfant ressente la sensation de faim parce que [celle-ci] représente l’insécurité. Il faut savoir que de la naissance jusqu’à l’âge d’un ou deux ans, les besoins primaires de manger ou de boire sont aussi vitaux que le besoin affectif. Ressentir la faim à cet âge-là peut être extrêmement difficile pour un enfant dans sa construction. La toute petite enfance constitue le socle commun à tous les enfants, la période où ils ont avant tout besoin de manger, boire et être en sécurité affective.
L’important est également de vivre dans des conditions décentes, qu’il n’y ait pas d’insalubrité, pour éviter toutes les maladies dont les enfants peuvent être victimes assez facilement. Un enfant est une personne très fragile au niveau médical. 
 
" Donner un minimum de sérénité au sein du foyer "
L’enfant a aussi besoin d’un grand cadre sécurisant, (…) avoir de la sécurité affective. Un enfant peut être dans une famille très pauvre mais s’il mange à sa faim et que tout autour de lui, il a une famille aimante, les choses peuvent aller. 
La sécurité affective est de pouvoir vivre dans un cadre assez serein et offrir un minimum de sérénité au sein du foyer. 
 
 
" La question du jeu est primordiale "
Ensuite, la question du jeu est primordiale surtout pour ces enfants qui se retrouvent à travailler en assez bas âge. Ces enfants sont vite dans la vie adulte parce qu’ils doivent travailler et subvenir à leurs propres besoins et à ceux de leur famille. Cela risque de ne pas en faire des adultes stables, mais des adultes déprimés, dépressifs, ou violents. On n’aura pas su les protéger : ces personnes seront en insécurité intérieurement et affectivement. Cela peut créer des problèmes psychologiques à l’âge adulte.
Le fait de jouer est important car cela permet à l’enfant d’intégrer ce qu’il se passe dans sa vie. Les enfants utilisent le jeu pour expérimenter ce qu’ils découvrent dans leur environnement. Ce qui est assez frappant avec les Syriens par exemple - surtout ceux qui sont arrivés en France il y a très peu de temps – c’est qu’ils n’arrivent plus à jouer. Ils ne sont plus dans cet état d’esprit parce que le choc de la guerre les en empêche. 
Il faut donc pouvoir offrir un cadre minimum aux parents : si on arrive à apporter le minimum vital aux parents de ces enfants qui sont dans une situation ou un environnement dramatique, ces parents pourront mieux protéger leurs enfants d’un point de vue affectif et psychologique, parce qu’ils ne vont pas intégrer leurs enfants à la recherche de nourriture, de vêtements, etc.  
 
 
 
Secours Islamique France : En quoi la période de l’enfance est essentielle dans la construction d’une personne ? Si cette étape-là ne se passe pas correctement, quelles conséquences cela peut avoir sur la vie d’un enfant ? 
 
" Il n’y a pas d’égalité face à un vécu "
On peut avoir en face de soi une personne qui va naître avec une structure psychologique forte, ou faible. C’est comme un vase : il y a des vases en plexiglass et donc incassables et d’autres en cristal, et il suffit d’un seul petit coup pour qu’ils se détruisent.
Tous les enfants ne sont pas égaux, il n’y a pas d’égalité face à un vécu. On peut avoir deux enfants qui ont vécu les mêmes situations stressantes dans leur enfance et qui ne vont pas grandir de la même manière. 
Finalement, on ne peut pas réellement savoir, c’est aléatoire. C’est une question de personnalité, que seul le parent peut déceler. Normalement, tout parent connaît son enfant et sait ce dont il a besoin. S’il n’y a pas de parent, cela peut être un éducateur ou en tout cas quelqu’un qui s’occupe de l’enfant, qui pourra être à l’écoute de l’enfant pour essayer de savoir qui il est vraiment et ce dont il a besoin pour vivre sereinement. 
Dans tous les cas, un enfant qui grandit avec un grand manque affectif rencontrera des difficultés à l’âge adulte, tant lui-même lorsqu’il deviendra parent  que dans ses relations aux autres. 
 
Secours Islamique France : Est-ce que le fait d’être dans la vie active dès le plus jeune âge et d’avoir des responsabilités tôt peut nuire à la construction d’un enfant en tant que personne ?
 
Ici, nos propres parents peuvent avoir fait face à ce genre de situation, par exemple prendre des responsabilités dès l’âge de 8, 9, 10 ans. Mais à la différence de nos parents, les enfants qui vivent dans des pays comme la Syrie, la Palestine, ou tous ces pays qui sont en guerre et où il se passe des choses atroces, c’est qu’ils n’ont pas la sécurité affective. Peut-être qu’ils n’ont plus leurs deux parents, et qu’ils ont vécu le deuil un peu trop jeune et de manière brutale.
Un enfant qui va grandir avec des responsabilités très tôt, cela peut être néfaste car on ne lui a pas laissé le temps de grandir. Et d’avoir des préoccupations qui sont de son âge. Ce que l’on vit enfant, est ce qui fera de nous un adulte. Mais tout est rattrapable. 
 
 
C’est parce que « tout est rattrapable » que le Secours Islamique France met en œuvre des programmes humanitaires à destination des enfants vulnérables. 
 
 
Merci à Amel Rachem pour sa collaboration et sa disponibilité.
 

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