Kenya, la voix des vulnérables


Mis à jour le 17/12/12

« Ma femme, handicapée, me donne de la bonne nourriture et je l’aime »

A Masalaani, Nadhiifo Iidle Osman, une mère handicapée qui s’occupe de ses 3 fils dont un handicapé également, a voulu nous raconter son chemin de vie.

Une demeure modeste, située dans un quartier périurbain de Masalani, une petite ville au nord-est du Kenya, près de la frontière somalienne. Mère de trois garçons dont un handicapé, handicapée elle-même, Nadhiifo Iidle Osman a quitté le lycée en 1998, incapable de payer les frais de scolarité. De là, elle s’est résignée à se marier puis à chercher de quoi nourrir sa famille comme toutes les autres personnes de son quartier.

Malgré sa situation difficile, Nadhiifo n’hésite pas à nous relater, lors de la distribution de colis alimentaires durant le mois de Ramadan, sa quête de grandeur et sa volonté de fer pour lutter contre toutes les adversités.

« J’avais décidé alors de me marier, je l’ai fait et j’ai épousé un homme qui me soutient beaucoup. Nous avons été bénis avec l’arrivée de trois garçons. L’un d’entre eux est handicapé ; il n’a pas été allaité, regrette-t-elle. Chose qui a dû la pousser à le confier à sa propre mère pour qu’elle l’élève. Elle explique : « c’est aussi douloureux pour un jeune bébé handicapé de ne pas recevoir de lait maternel. M’en occuper était devenu trop difficile; ma mère l’a pris avec elle car nous étions tous deux handicapés. »

A la question « A quels problèmes de santé devez-vous faire face ? », Nadhiifo mentionne le centre de soins mère-enfant comme son besoin le plus vital et sa première préoccupation : « En général, mes grossesses sont très difficiles et douloureuses ; je passe les 9 mois de grossesse sur un lit d’hôpital. Le climat dans la région nord du Kenya est très chaud, atteignant presque les 40 degrés et je ne peux pas marcher dans cet état-là. » Son plus grand défi est de marcher, enceinte, jusqu’au centre de soins, « sous le soleil ardent, je m’assois régulièrement le long de la route pour me reposer et reprendre des forces. »

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Nadhiifo n’est qu’un exemple parmi d’autres, des milliers d’individus handicapés, de familles dans le besoin dispersées dans les huit quartiers de la ville de Masalani situé dans le district sud d’Ijara dans le pays de Garissa (nord-est du Kenya) (cf carte)

 

« Il y a beaucoup de personnes handicapées ici, constate-t-elle, et elles rencontrent de nombreux problèmes par manque de soins. Etant une femme, handicapée et d’origine somalienne, je me sens doublement marginalisée. »

 Ismail réside à Bulla Qalaanqal, dans l’un des centres de distribution 

« Nous voudrions profiter de cette occasion pour remercier les donateurs pour la nourriture et l’aide apportées. C’est un bon geste de leur part et nous remercions Dieu pour nous avoir soulagés de ce fardeau car chercher de la nourriture tous les jours est une véritable gageure. Personnes pauvres, travailleurs, laboureurs, nous appelons le gouvernement, les institutions et les ONG à renforcer leur aide pour l’éducation de nos enfants.

 Doola Abdi Shuriye, mère de 11 enfants 

« S’il n’y avait pas eu cette nourriture, je ne sais vraiment pas comment la vie aurait pu être possible. Nous sommes totalement et hautement reconnaissants à toutes les personnes qui ont payé et organisé cette distribution de nourriture. »

Exclue du système agricole du village de Daloolo, près d’Ijara, Doola est mère de 11 enfants dont un est décédé. La plus grande a 20 ans et le plus jeune 5 ans. Elle vit au sein de trois foyers dont chacun contient plus de 10 personnes, principalement des femmes et des enfants. Elle éduque également son beau-fils de 15 ans, aveugle, Yahya Aamin dont la mère décéda alors qu’il avait 6 jours. « Aujourd’hui nous avons eu beaucoup à manger. Nous n’avions pas eu ce genre de nourriture durant les trois années que nous sommes installés ici. Au départ, nous pratiquions le jeûne avec ce que le Seigneur nous avait donné. Nous recevions de temps à autre de l’orge mais de l’orge sans huile de cuisson est-ce réellement de la nourriture ? Je le donne alors aux poules et aux autres animaux. »

Qu’a–t-elle reçu lors de la dernière distribution (effectuée durant le mois de Ramadan) ? Doola rayonne de joie en nous montrant un bidon de 3 litres d’huile et soupire, soulagée : « Nous sommes très reconnaissant aux personnes qui ont apporté ces aliments précieux et à ceux qui ont bravé le soleil et la chaleur pour nous les distribuer. Avant cela, j’avais déjà épuisé la somme de 50 dollars que mes cousins d’Afrique du Sud m’avaient donnés pour le repas de la rupture du jeûne. Sans cette distribution, je ne sais vraiment pas comment la vie aurait pu être possible. Nous sommes reconnaissants et totalement heureux. »