La délégation est arrivée dimanche soir à Amman pour la première partie de son voyage en Jordanie à la rencontre des réfugiés syriens, ainsi que des acteurs jordaniens en charge de les accueillir et de les aider. Récit.

Mis à jour le 06/11/13

 Jour 5: "L'éducation, la première préoccupation pour les réfugiés"

Mont Liban, rencontre avec des réfugiés syriens.

Un couple, qui préfère taire son nom, raconte son histoire : « en 2011 il y avait des groupes de paroles, des manifestations pacifiques. Le régime, très strict, n'a pas accepté que le peuple dise non, alors ces manifestations ont été matées et rien n'a été fait. Mais ce n'était pas la guerre, elle n'a commencé que lorsque des étrangers sont entrés en Syrie. Les oppositions n'étaient absolument pas religieuses à l'origine mais si une solution n'est pas trouvée très rapidement ça ne sera plus que cela ». Il traduit un sentiment assez général chez les réfugiés : « nous n'avons pas compris ce qui nous arrivait, personne ne voulait en arriver là, nous vivions bien ensemble malgré les problèmes réels, nos vies sont devenues un enfer ». Il condamne également la position occidentale « qui tout à coup s'inquiète d'une attaque chimique sans jamais s'être inquiété auparavant que nous n'ayons plus de pain. Les ONG sont nombreuses à s’occuper de nous, mais les gouvernements occidentaux ne respectent pas les droits de l’Homme dans la région ». Ce couple aimerait rejoindre la Syrie mais sait que c'est impossible. Travaillant comme journaliste, sa vie est en danger, pourtant, il n'a jusqu'ici que des refus pour des visas en Europe. « J’ai donc décidé de m’enregistrer au HCR (Haut Commissariat aux Réfugiés), et j’ai désormais le statut de réfugié politique, j’espère aller en Suède ». Comme beaucoup, cet exil est une déchirure, mais le retour est difficile à envisager: « si le gouvernement tombe, il faudra au moins cinquante ans à la Syrie pour se reconstruire, je ne serais probablement plus de ce monde ».

alt

Retour à Beyrouth pour une rencontre avec l'association JRS, largement présente dans la région et notamment en Syrie. Les volontaires sont majoritairement syriens, et aident à leur tour les réfugiés. Là encore, l’accompagnement est multiple : distribution de nourriture, de biens, aide financière, éducation, psychologie… Le père Ziad, jésuite de Homs est arrivé le matin même pour raconter son histoire: « Nous voulons rappeler que nous sommes Syriens, nous mourrons parce que nous sommes syriens, et nous voulons la paix parce que nous sommes syriens et que nous aimons notre pays ». Les jeunes Syriens présents se confient: « le vrai problème était la liberté d’expression, mais nous ne voulions pas en arriver là. Nous vivions bien, nous étions heureux, nous avions la santé et l’éducation… Mais l’espoir reste car la majorité d’entre nous croit à la reconstruction, notre désir de retourner en Syrie est la preuve que nous sommes vivants et déterminés ».
Lorsque la délégation demande si ces jeunes ont un message qu’elle puisse transmettre à son retour, Maya, une jeune Libanaise de 29 ans répond: « On paie depuis trop longtemps les guerres de tout le monde. On veut la paix, on veut vivre ensemble et on sait le faire. Nous mettons toujours des années à nous remettre de ces guerres, je crois que ça suffit. Donnez-nous enfin la chance de vivre en paix, nous le méritons autant que vous ».

Avant de rejoindre la France, la délégation a pu participer à une rencontre avec de nombreuses ONG actives au Liban afin de mieux comprendre la situation, les enjeux et les besoins. « Sur 23 millions de Syriens, 6 sont touchés directement par les combats, et plus de 2 millions d’entre eux ont fui la Syrie. Mais partout ailleurs la pauvreté est galopante, l’industrie saccagée, le tourisme inexistant, les prix en hausse… beaucoup d’hôpitaux et d’écoles sont détruits » explique Pascal Kateb, directeur de Caritas. Le secteur humanitaire était très peu développé en Syrie. Comme la majorité des ONG présentes depuis le début de la guerre, ils se sont développés et adaptés à une vitesse aussi surprenante qu’impressionnante. L’avenir est difficile à envisager pour lui, comme pour ses collègues : « Le grand défi sera de reconstruire l’identité syrienne. Elle a été profondément blessée ». Le plus grand problème reste l’éducation qui est, selon leur expérience, comme pour tous les réfugiés rencontrés dans la semaine « la préoccupation la plus importante parce que c’est l’avenir de la Syrie qui est en jeu ».

 

 Jour 4: "C'est impossible d'imaginer un avenir"

La délégation rencontrait aujourd'hui un patriarche Melkite, le grand moufti de Beyrouth, les autorités protestantes mais également d'autres réfugiés dans la région de Saïda, au sud de la capitale libanaise. Parmi eux, de nombreux Palestiniens Syriens.

Arrivée dans la ville côtière de Saïda, où l'Islamic Welfare Association (ISWA), partenaire du Secours Islamique Français (SIF), attend la délégation pour présenter son action auprès des réfugiés syriens. Tour d'horizon de situations aussi diverses que dramatiques. Là encore, les actions sont nombreuses : soutien scolaire, soutien aux veuves, aide à la préparation de l'Aïd, distribution de nourritures, produits hygiéniques, couverture, matelas, aide sociale, médicale...
Un grand projet verra le jour dès l'année prochaine : la réhabilitation d'un bâtiment inachevé afin d'en faire une école pour enfants syriens, conforme aux programmes scolaires syriens (différents des libanais) et dont les enseignants seront eux-aussi des réfugiés syriens. La chargée de mission du SIF au Liban commente : "ces enfants seront demain au pouvoir en Syrie et construirons l'avenir, il est impensable qu'elle ne soit pas éduquée". Cette école accueillera à la rentrée prochaine 440 élèves, une belle avancée dans cette région où le nombre d'enfants syriens à scolariser est passé de 1 200 à 4 800 cette année.

Quelques kilomètres plus loin un centre, une immense cour dans laquelle des enfants s'amusent, un four à pain, des douches mises à disposition, une cuisine et des habitations. 44 familles vivent ici, et quelques pièces sont réservées aux cas d'urgence comme l'explique l'un des membres de l'association : "nous les gardons pour installer les Syriens qui arrivent de nuit, avant de trouver une solution pour eux le lendemain".  
Parmi eux de très nombreux Palestiniens Syriens, dont les grands-parents s'étaient réfugiés en Syrie en 1948,  originaires du camp de Yermouk dans la banlieue de Damas. Dans 9m2 un couple ouvre sa porte, trois matelas, quelques épices, un seau d'eau, une petite valise. Ils vivent ici avec leur trois enfants âgés de 7 à 13 ans. "Ils pleurent souvent en nous demandant jusqu'à quand cette situation devra durer" raconte la jeune mère, "c'est impossible d'imaginer un avenir, nos enfants ne peuvent aller à l'école car nous n'avons pas les moyens de payer les transports pour s'y rendre". Le père, journaliste en Syrie n'a pas pu trouver de travail au Liban, il est résigné : "Nous voudrions retourner un jour en Syrie mais nous n'avons aucun espoir. Que peut-on espérer ?"

alt

À quelques encâblures, dans la vieille ville de Saïda, le propriétaire d'un complexe de magasins a mis les étages gratuitement à disposition de 58 familles, soit 370 personnes. Les conditions y sont précaires et parfois même dangereuses, six toilettes seulement sont disponibles et les canalisations viennent de casser sous la pression, le toit s'effondre par endroit laissant craindre le pire avec l'arrivée de la pluie...
Myriam a 51 ans et vit dans une petite pièce avec son mari et leurs deux enfants. Impossible pour le père de travailler, et c'est donc le fils de 14 ans qui sert dans un restaurant pour rapporter quatre dollars quotidiens à la famille. La petite de 9 ans va à l'école. Ses larmes sont la preuve de son inquiétude : "avant, notre quotidien était bon en Syrie et la vie n'était pas chère, désormais il n'y a aucun avenir possible pour mes enfants s'ils doivent travailler au lieu d'aller à l'école. Je veux bien partir n'importe où sans argent si un avenir est possible" explique-t-elle après avoir entendu que 17 pays occidentaux étaient prêts à accueillir des réfugiés. À l'étage du dessus Ziad, 50 ans, vit dans quelques mètres carrés avec 10 personnes de sa famille. Il déplore une situation insoutenable et ne rêve que d'un retour : "avant je rêvais de retourner en Palestine mais avec ce qui se passe je sens mon attachement à la Syrie et c'est là-bas que je veux vivre à nouveau". Un rêve largement partagé par les autres réfugiés.

La délégation se rend enfin chez le grand Moufti de Beyrouth afin de lui présenter son appel. Un message reçu avec joie, et encouragements : "Je salue votre démarche et je souhaite que les politiques libanais prennent exemple sur vous, et oublient un instant leurs divisions pour s'occuper de ces réfugiés et du peuple libanais". Rappelant les bonnes relations entre les représentants religieux au Liban, il regrette que le message religieux soit parfois instrumentalisé au détriment de la paix et de la justice. "Ce qu'il faut réaliser c'est qu'aujourd'hui c'est un peuple blessé qui accueille d'autres blessés. Cela mérite en effet admiration et encouragement. Les Libanais ont besoin d'aide". Pour l'avenir, en Syrie comme au Liban, l'échange entre la délégation et le Moufti est unanime : une bonne entente et une meilleure connaissance entre les religions est absolument nécessaire.

 

 Jour 3: Les réfugiés, 25% de la population au Liban

La délégation commençait aujourd'hui quelques jours de visite au Liban, dans un contexte plus tendu que la Jordanie. Presqu'autant de réfugiés, plus d'1 million, dans un pays de 4 millions d'habitants. Un contexte difficile doublé d'une histoire conflictuelle entre Libanais et Syriens. Départ pour la plaine de la Békaa à la rencontre d'une femme gérant la distribution avant de visiter quelques réfugiés regroupés dans des camps informels ici et là dans la plaine.


Dans le bus, les salariés de Caritas décrivent leur quotidien: "Les Libanais acceptent mal cette présence massive, les réfugiés sont une histoire douloureuse pour le Liban avec les Palestiniens, et l'occupation du Liban par l'armée syrienne est encore vive dans les esprits..." confie l'une d'elle avant de rappeler une fois encore combien les réfugiés sont nombreux, et constituent aujourd'hui 25% de la population présente au Liban. Pour appuyer ce qu'elle raconte, les groupements de tentes sont partout visibles depuis les fenêtres.
Outre une relation difficile, la présence massive et soudaine de ces Syriens pose, comme en Jordanie de très nombreux problèmes en terme d'infrastructures avec la gestion des déchets déjà difficile, la pollution, le secteur médical qui n'arrive pas à assumer cette forte demande, l'accès à l'eau et à l'électricité déjà problématique dans le pays, mais aussi la hausse des loyers, le manque de place dans les écoles, le coût du travail : "Les Syriens acceptent de travailler à très faible coût, et se mettent également à vendre des produits beaucoup moins chers que le marché libanais, ce qui engendre une vraie baisse du niveau de vie pour beaucoup de Libanais" poursuit-elle.

alt
Et pourtant l'aide se met en place, et les bonnes volontés sont nombreuses. Arrivée dans un camp informel à Talabayeh, la précarité est évidente au milieu de ces quelques tentes déchirées. Les témoignages fusent assez naturellement. Huit jeunes femmes âgées de 15 à 23 ans sont un mélange de résilience et de détresse. "Avant nous vivions de la récolte du coton, du blé et de concombres, nous n'étions pas très riches mais nous avions la meilleure des vies" confient en cœur ces 8 jeunes femmes originaires de la région frontalière de la Turquie. Elles ont parcouru un long chemin à pied avant de prendre une voiture qui les a conduit ici. Deux jeunes garçons de 13 et 15 ans les ont rejoints plus tard. Elles ont voyagé seules avec un oncle, les hommes de la famille ayant choisi de rester en Syrie. La situation était devenue invivable : "il n'y avait plus aucune liberté, nous étions pris entre les 2 camps qui s'entretuaient. Nous avons vu les chars, les armes, les avions et nous sommes partis en courant sans comprendre comment nous en étions arrivés là" regrette Amira.  Leur vie ici est un calvaire que Fatima décrit: "nous vivons misérablement, nous craignons la pluie et le froid et nous n'avons rien à faire qu'à nous regarder toute la journée".

Dans quelques jours ce sera pour ces Musulmanes la grande fête de l'Aïd mais là encore l'attente est morose : "Nous devrions mettre nos plus beaux habits et nous n'avons rien, pas de repas de fête... Nous allons nous réunir et fêter aussi bien que possible mais nous n'avons même pas toute la famille" poursuit cette jeune femme. Impossible d'améliorer ce quotidien, le travail est difficile à trouver alors elles se partagent quelques jours dans les champs alentour.
Elles n'espèrent qu'une chose pour leur avenir, comme l'écrasante majorité de ces Syriens: "que la guerre s'arrête le plus rapidement possible afin que nous puissions retourner dans notre pays" explique Saba, et Fatima poursuit "que nos familles soient à nouveau réunies, et que la Syrie redevienne ce qu'elle était".
Ça et là, ailleurs dans le camp, des hommes décrivent une vie trop dure, les enfants racontent leur fuite, décrivent leur peur des bombardements. Une misère immense mêlée à des sourires qu'Amira résume "nous tenons grâce à Dieu qui nous donne la force, et nous avons vécu tellement de difficultés que désormais nous espérons que ça aille mieux". Avant de partir elle lance, approuvée par ses voisines "merci à tous ceux qui nous aident".

Départ pour un petit village situé à quelques kilomètres seulement de la frontière syrienne. Le père Nasrallah s'occupe depuis bien longtemps déjà des déplacés à cause de la guerre. Un grand centre toujours en construction, des salles de distribution, un dispensaire médicalisé et équipé, des salles de classes, un générateur pour distribuer l'eau dans tout le village... Et partout des affichettes "merci à" telle ou telle organisation qui aide à ce grand projet, parmi lesquelles l'Oeuvre d'Orient présente dans la délégation. Ce prêtre dynamique porte ce projet avec une passion telle que les partenaires sont effectivement nombreux. Depuis le début de la crise syrienne, le centre a naturellement ouvert ses portes aux Syriens. Au début de la guerre il accueillait 300 familles, et en compte désormais 4 000, le petit village est passé de 2500 à plus de 13 000 habitants !
Dans les salles, sont empilés des cartons entiers de couches, des sacs de première nécessité, composés de savon, mouchoirs, fèves, riz, thé, eau... Le centre s'adapte. À côté, certaines pièces sont désormais des salles de classes. Chaque jour, trois niveaux s'y succèdent pour apprendre l'informatique, l'anglais, le français et jouer. La maîtresse explique l'ouverture de ces classes l'an passé. "Tous les enfants syriens étaient accueillis dans les écoles publiques mais ils sont désormais beaucoup trop nombreux et les écoles ne peuvent plus assumer". Elle se consacre à ces enfants afin de leur offrir la possibilité de réintégrer le système scolaire, "j'ai envie de les aider surtout quand je constate qu'ils grandissent dans un climat de violence inouïe" sourit-elle.

L'évêque Melkite remercie encore de ce travail: "cette espérance est magnifique, et c'est notre rôle de soulager tant que possible ces souffrances". Heureux de recevoir cette délégation islamo-chrétienne, il conclut sur leur situation "je n'ai dans mon diocèse que 250 chrétiens, nous vivons entre chiites et sunnites sans problème. C'est une grâce et nous espérons du fond du cœur poursuivre cette entente en parlant ensemble".

 

 Jour 2: "Nos coeurs et nos esprits sont en Syrie"

Ce deuxième jour a été l'occasion pour la délégation de rencontrer à nouveau des réfugiés syriens dans un petit village à quelques kilomètres de la frontière, puis de lancer l'appel à la solidarité et au soutien de ces populations à travers la presse locale et internationale. Départ pour le nord d'Amman, en direction de la frontière syrienne, dans un petit village du nom de Mafraq. En quittant la capitale jordanienne, ce sont des kilomètres parcourus à travers le désert qui mène au village dans lequel un centre Caritas est installé, à quelques encâblures de l'immense camp de réfugiés de Zaatari que l'on aperçoit en arrivant. Une étendue infinie de tente blanches en plein désert.

À Mafraq, le centre est à côté d'une école tenue par l'église latine qui ne compte que 90 familles dans les alentours. Sur place, une école où 500 enfants Jordaniens, en large majorité musulmans, sont scolarisés. Juste derrière la cour de récréation, une longue file de Syriens attendent d'être enregistrés. La plupart sont entrés illégalement en Jordanie et sont donc passés par le camp de Zaatari. Ils ont fui, ou connaissent quelqu'un ailleurs en Jordanie prêt à les accueillir.

À l'arrivée, Tareq Oubrou et Monseigneur Stenger adresse un mot aux réfugiés, portant le message de cette délégation venue à leur rencontre pour leur dire combien leur souffrance était connue en France, et réaffirmer notre soutien moral en cette période éminemment difficile. Chacun, à sa manière, insiste : "Ce n'est pas pour autre chose que pour vous redire ensemble, chrétiens et musulmans, que nous ne vous oublions pas et que vous êtes dans nos cœurs". Monseigneur Stenger conclut : "nous sommes tous des croyants et soyez sûrs que nous prions pour vous".

Une jeune maman s'approche, elle présente fièrement sa petite fille, Rafiaah, née 4 mois plus tôt dans l'hôpital français du camp de Zaatari. Elle est arrivée seule en Jordanie avec ses 4 enfants, car son mari est en prison à Deraa, leur ville d'origine. Ici, elle espère "pouvoir mettre [ses] enfants en sécurité". Sa voisine est également là avec sa mère, ses 4 enfants dont sa petite fille née, ici même, 7 mois plus tôt. Son mari est resté en Syrie. Elle aussi espère "la liberté et la paix", sa mère confie en pleurant "ici, nous nous serrons les coudes mais nos cœurs et nos esprits sont en Syrie". Une troisième confie avoir peur de l'arrivée de l'hiver...

Fawaz, 26 ans, attend un peu plus loin, il est entré illégalement un mois plus tôt et attend d'être enregistré : "Je faisais mes études à Hama mais plus rien n'était sûr et j'ai donc quitté le pays, mais mon père est resté en Syrie, je l'ai souvent au téléphone et la situation est chaque jour pire encore". Pourtant tous ici ne rêvent que de retourner dans leur pays.

Retour à Amman pour rencontrer la presse avec une idée en tête, réaffirmer ce soutien après avoir constaté ces situations humaines dramatiques, et lancer un appel à la solidarité. D'une seule voix, la délégation rappelle le soutien inter-religieux, remercie la Jordanie et les Jordaniens : "qu'un peuple de 6 millions de personnes accueille autant de réfugies force notre admiration", le nombre de réfugiés est en effet estimé aujourd'hui à 1,2 million. L'appel est ensuite plus large, tant les besoins sont immenses : "la Jordanie ne peut faire face seule. Cette visite est un appel à notre responsabilité à tous, en France et en Europe pour mettre en oeuvre tous les moyens possibles pour l'accueil des réfugiés syriens et pour travailler à l'instauration d'une paix juste et durable".

Avant de s'envoler pour Beyrouth, il promettent d'être témoins, en France, de ce qu'ils ont "vu et entendu".

 

 Jour 1: "Je n'aurais jamais pu imaginer être un jour réfugié"

 

A peine arrivés à Amman la délégation a rencontré une représentante de Arab Renaissance for Democraty and Development (ARDD-legal Aid), Souzan Mohareb, cofondatrice de l’organisation en 2008. L’occasion d’une présentation détaillée de la situation des réfugiés en Jordanie.

En quelques chiffres, ce pays de 6 millions d’habitants aurait accueilli depuis le début de la crise syrienne plus 1, 2 million réfugiés syriens. 600 000 seulement sont enregistrés par le Haut Commissariat aux Réfugiés, les autres ne le faisant pas pour diverses raisons notamment la peur. 10% d’entre eux sont aujourd’hui accueillis dans le camp principal de Zaatari au Nord de la Jordanie, les autres vivant mêlés à la population jordanienne. Le pays accueillait déjà avant la crise 200 000 Irakiens, et 2 millions Palestiniens. Le flux de réfugiés n’a cessé depuis le début de la crise. Désormais ce sont entre 500 et 1000 personnes qui passent la frontière chaque jour. Le gouvernement jordanien a pu fermer temporairement les frontières pour gérer les flux, mais la politique n’a pas changé malgré le nombre énorme de réfugiés : les frontières restent ouvertes.

alt

Les défis sont nombreux à dépasser dans cette crise : « la Jordanie est un pays très pauvre en eau et les Syriens ne sont pas habitués à y faire attention, les loyers du nord du pays ont augmenté de façon incroyable, l’économie jordanienne est considérablement affectée parce que beaucoup de commerce se faisait avec la Syrie... » Certains Jordaniens commencent à trouver cette présence pesante « mais ce n’est pas du tout vis-à-vis des Syriens eux-mêmes qui ne sont pas vraiment étrangers pour nous, mais bien de la baisse de leur niveau de vie engendrée par la situation » précise-t-elle. Un nouveau camp est quasiment prêt à accueillir d’autres réfugiés, trois fois plus grand que le premier qui accueille déjà 160 000 personnes !

Le lendemain c’est le vicaire général du patriarcat latin de Jérusalem qui reçoit la délégation. Un échange franc sur la situation, quelques chiffres sont évoqués puis la situation elle-même : « Personne ne prend finalement en compte le peuple syrien alors que tous parlent au nom des droits de l’Homme, de la liberté et de la démocratie. L’occasion de saluer justement cette délégation française venue rencontrer le peuple syrien et le soutenir dans cette épreuve, mais également tous les acteurs qui se consacrent à eux. Les problèmes évoqués sont les mêmes que la veille : l’eau, le manque d’infrastructures et les nombreux problèmes sociaux engendrés par ces arrivées massives. Il est pourtant clair « nous ne pouvons pas fermer les frontières par fraternité, par solidarité, surtout que les aides financières sont nombreuses à nous parvenir ». 

Ce sont ensuite le directeur de Caritas ainsi que certains des employés qui font une rapide présentation de leur organisation. Ils sont présents dans la distribution de nourriture, de biens matériels, de soins médicaux, ainsi que dans l’accompagnement psychologique, professionnel et scolaire. Par choix, ils se concentrent sur l’aide aux réfugiés en dehors des camps, qui représentent 90% de cette population et pour qui les manques sont réels. Ils conduisent donc la délégation dans un de leur centre, au nord-est de la capitale Amman, dans la ville de Zarka. Là se trouve un centre d’enregistrement des réfugiés, une école, ainsi qu’un centre de distribution.

En début d’après-midi, comme chaque lundi et mercredi, les élèves jordaniens quittent l’école pour laisser place aux élèves syriens. Pendant que les enfants suivent des cours d’arabe, d’anglais et de mathématiques, les mères sont invitées à dialoguer avec un psychologue sur la gestion des traumatismes de leurs enfants. Dehors les familles syriennes se relaient devant le centre de distribution pour recevoir chacune deux matelas, deux oreillers, deux couvertures ainsi que des bons pour recevoir de la nourriture et des biens matériels.

Les témoignages se ressemblent, ils ont quitté un pays dans lequel la vie était devenue impossible, ils avaient peur pour leurs enfants. La plupart rêve de revenir en Syrie un jour, mais restent pessimistes sur l’avenir, « nous avons laissé un pays en ruine et nul ne sait combien de temps nécessitera sa reconstruction, pourtant notre souhait est d’y retourner » confie l’une des mamans venues rencontrer le psychologue. Une autre, assise dans la rue sur l’un des matelas qu’elle vient de recevoir est arrivée de Deraa six mois plus tôt avec son mari, ses 5 enfants, et 5 beaux-frères. Après être entrés illégalement en Jordanie, ils ont passé quatre jours dans le camp de Zaatari, la vie y étant très difficile, ils sont partis pour Zarka où ils connaissaient une famille. Le traumatisme est là « Nous avons peur bien sûr, les enfants sursautent dès qu’une porte claque, mais nous aimons notre pays et nous espérons vraiment y retourner ». Certains rêvent d’autre chose, c’est le cas de Jimy, cette chrétienne de 43 ans venue avec sa jeune sœur et ses deux neveux, ils ont quitté Alep et n’attendent pas d’y revenir. Le changement de vie est de toute façon déjà bien réel : « ma maison a brûlé, avec mes livres, mes photos... je dois tout recommencer ».

Tous avait un peu d’argent en arrivant, mais il est difficile de travailler rapidement. Ils vivent donc avec l’aide des organisations locales sans quoi « Caritas, pour moi, c’est la joie et l’œuvre d’Orient finance la scolarité des enfants. Nous sommes vraiment aidés » sourit-elle. Parmi les bénévoles, se trouvent aussi des Syriens, c’est le cas de Bassam qui est arrivé avec sa femme et leurs deux enfants l’année dernière : « je vivais très bien avec mon commerce à Alep et je n’aurais jamais pu imaginer être un jour réfugié. Nous sommes tous dans ce cas et après avoir bénéficié de cette aide j’ai eu envie de donner mon énergie pour les autres ».

 

 APPEL POUR LE PEUPLE SYRIEN

11 associations un Appel pour le peuple syrien,

Dans un esprit de solidarité et d'espérance, 11 associations ont décidé de lancer un appel pour dénoncer l'inhumanité dont est victime le peuple syrien. Un communiqué de presse a été envoyé aux médias et une délégation de 10 personnalités dont Rachid Lahlou, président du SIF se rendra du 7 au 11 octobre en Jordanie et au Liban.

Ils y rencontreront des autorités religieuses ainsi que des familles réfugiées de Syrie pour leur signifier leur solidarité et pourront à cette occasion interpeller les responsable politiques sur cette situation qui empire quotidiennement.

 

 Apaiser, consoler, soutenir


Dès aujourd’hui, une délégation composée de dix représentants d’associations, de deux personnalités religieuses chrétienne et musulmane ainsi que de deux journalistes, part à la rencontre des réfugiés en Jordanie et au Liban afin de les assurer de leur soutien et les encourager à espérer. Ils partent à la rencontre de ces personnes, de celles qui s’en occupent, des autorités religieuses pour témoigner de la situation dramatique vécue par le peuple syrien et interpeller les consciences dans un appel commun.


Monseigneur Stenger, évêque de Troyes, et l’imam Tareq Oubrou, recteur de la mosquée de Bordeaux expliquent ce voyage auquel ils participent:


Quel est le but de ce voyage ?
Mgr Stenger : Nous voulons apporter notre soutien à un peuple qui souffre depuis trop longtemps, leur dire, quelques soient les positions politiques adoptées par ailleurs, que nous sommes avec eux, nous pensons et prions pour eux. Ce sera aussi l’occasion pour nous tous de remercier ceux qui s’occupent de ces réfugiés, leur dire toute notre reconnaissance et nos encouragements. Nous voulons apporter un message d’espérance.
Tareq Oubrou : C’est un geste de solidarité que nous voulons poser ensemble, à l’égard des victimes, pour leur affirmer que le monde ne les oublie pas. Nous voulons dénoncer l’injustice faite aux innocents. Nous ne leur apportons pas d’argent mais notre soutien venu de loin, dans ces situations atroces c’est aussi important. D’autre part, servir une cause est une bonne chose, mais rencontrer et découvrir par soi-même permet d’affiner les choses, et de mieux défendre les personnes.


Quel est le sens de la réunion de tant d’associations différentes ?
Mgr S : Le nombre est une force morale. Malgré nos objectifs différents, la souffrance des hommes nous permet de nous retrouver et c’est un signe fort pour ces populations éprouvées. C’est ensemble que nous voulons les soutenir, et que nous nous donnons les moyens de le faire et de montrer que c’est possible.
TO : Nous sommes mus par notre foi, et par des valeurs universelles. Il est important que nous soyons capables de montrer notre union pour dénoncer des drames qui touchent tant de minorités différentes dans une région si sensible. Nous avons eu envie de dire que les religions, avec leurs valeurs respectives, pouvaient œuvrer ensemble à l’international.


Pourquoi maintenant ?
Mgr S : Le calendrier d’abord nous a permis à cette date de tous être réunis et nous y tenions. L’agitation dure depuis bien longtemps autour de la question syrienne, et un jour il devient insupportable de rester dans un silence qui pourrait être complice : nous voulions affirmer notre refus de cette guerre, et notre compassion.
TO : Cela n’a rien à voir avec la récente polémique autour des armes chimiques ou l’intervention évoquée en Occident. Ce voyage était prévu avant, cela fait bien longtemps que nous apportons ce soutien dans nos cœurs, nous voulions désormais le manifester directement aux populations souffrantes.  


Quel message espérez-vous faire passer à ces réfugiés ?
Mgr S : Nous voulons les encourager à garder l’espérance. Nous ne sommes pas en mesure de régler les problèmes qui nous dépassent mais nous restons vigilants, nous parlerons de vous. C’est un appel à la confiance.
TO : Même de loin nous pensons à vous, chrétiens et musulmans entendent votre souffrance. C'est cette parole que nous voulons échanger avec eux. Le rôle des religions est d’apaiser les souffrances, c’est une parole d’espérance que nous voulons apporter.

 

Pour lire et diffuser l'Appel d'organisations religieuses françaises et d'ONG de solidarité internationale, cliquez ici.